Accès à la hors classe des DH : Le SYNCASS-CFDT réclame une autre approche du gouvernement

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Une réunion de travail des syndicats de directeurs avec le CNG, le 11 février, a permis de mesurer l’effet du nouveau ratio de 40% appliqué aux directeurs de classe normale, pour être inscrits au tableau d’avancement à la hors classe. Élaborer ce tableau supposera des critères pour départager des collègues aux profils de carrière extrêmement proches. Ce sera l’objet d’une prochaine réunion le 3 mars. Le SYNCASS-CFDT ne se satisfait pas de la situation et réclame des évolutions urgentes pour permettre des déroulements de carrière sans ce ralentissement provoqué.

UN RAPPEL DU CHEMINEMENT DE LA MESURE

Le SYNCASS-CFDT a toujours refusé le ratio promus/promouvables et pesé de façon constante pour en limiter les effets néfastes. Ce ratio a été introduit dans le statut DH en 2018 lors de la transposition des avancées du statut des administrateurs civils, faisant partie d’un ensemble de mesures statutaires plus global pour les corps à gestion nationale et celui des attachés. Il contenait une série de mesures d’accompagnement des restructurations et de l’impact des GHT sur la carrière des directeurs, pour étendre notamment les indemnités de direction commune aux adjoints et aux directeurs des soins et débloquer la rémunération des intérims de chefs d’établissement, par le déplafonnement de la part Fonctions de la PFR.

Pour les DH, la révision statutaire a été soumise au Conseil supérieur de la fonction publique du 20 décembre 2017, puis instaurée par des décrets du 5 mai 2018. Elle comportait enfin, outre quelques mesures d’ajustement, la transposition réclamée de longue date des évolutions intervenues dès 2015 pour les administrateurs civils :

  • L’ajout d’un 10ème échelon (IB 1021) en classe normale en 2021, pour éviter des chevauchements de carrière aux membres des corps accédant au corps de DH, comportant cet indice en échelon sommital à partir de 2021 (attachés, ingénieurs et cadres supérieurs de santé…) ;
  • La transformation de l’échelon spécial HEB bis, à accès contingenté par tableau d’avancement, par un 8ème échelon à accès automatique pour tous ;
  • L’assouplissement de l’accès à la classe exceptionnelle par la réduction des durées exigées dans certaines fonctions (réduction de 8 à 6 ans pour le premier vivier et de 10 à 8 ans pour le deuxième), la suppression de la période de référence (15 ans) et la création d’un troisième vivier (pour 20% des nominations).

Mais ces mesures positives pour tous les DH se sont accompagnées de l’introduction du ratio promus/promouvables appliqué aux administrateurs civils, pour l’élaboration du tableau d’avancement à la hors classe, à partir de 2021. Imposé sans discussion préalable et sans tenir compte des spécificités des exercices et des parcours professionnels des DH, dont l’obligation préalable de mobilité, qui n’existe pas pour les corps d’administrateurs civils et territoriaux, ce ratio ralentit le début de carrière. Il a donc suscité notre totale opposition. Répondant en janvier au courrier commun des syndicats de directeurs siégeant au CCCN, la Directrice générale de la DGOS a ainsi souligné que le ratio promus/promouvables était la contrepartie de l’amélioration obtenue dans les deux derniers grades du corps.

Relire notre communique du 13 janvier 2021

Les évolutions du statut de DH doivent être replacées dans le « temps long » de la gestion du corps, qui prend ses racines dans le protocole d’accord du 25 mai 2004. Ce protocole a été négocié et signé par le SYNCASS-CFDT et le SMPS (alors SNCH). Il a aligné, par le statut de 2005, la carrière des DH sur celle des administrateurs civils, permettant une carrière fluide et accélérée, par la fusion de la troisième et de la deuxième classe : l’avancement à la hors classe devenait possible en cinq ans, là où il en fallait précédemment au moins douze pour atteindre la première classe. Le maintien de conditions de mobilité exigeantes avait permis d’éviter un quota, les seuls critères restant l’échelon, l’ancienneté et la proposition de l’évaluateur.

L’action du SYNCASS-CFDT a été déterminante pour assouplir, au fil du temps, les interprétations de l’administration sur la mobilité à prendre en compte, notamment pour mieux prendre en considération des fonctions élargies par l’effet des restructurations successives, en lien avec la croissance exponentielle des directions communes et des GHT.

C’est ainsi que parmi les évolutions statutaires de 2018, le SYNCASS-CFDT a défendu et obtenu le maintien des anciens périmètres régionaux pour l’appréciation de la mobilité, assurant une cohérence dans l’appréciation des mobilités passées et futures, évitant ainsi de durcir le niveau de mobilité exigée du fait des fusions de certaines régions métropolitaines.

Lors de la consultation pour avis du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, en décembre 2017, la CFDT a présenté et argumenté des amendements, notamment de suppression du ratio, que le gouvernement a refusé de retenir. La CFDT a néanmoins fait le choix d’un avis favorable au projet de texte, car il aurait été préjudiciable de ne pas capitaliser l’amélioration obtenue pour tous en cours de carrière. Après son action pour améliorer le début de carrière en 2004, la CFDT a ainsi permis en 2017 d’obtenir aussi les grilles indiciaires des autres corps de la haute fonction publique, prenant ainsi ses responsabilités.

L’OBSTINATION DE L’ÉTAT À TOUT ALIGNER AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE

L’obstination de l’État à imposer un ratio promus/promouvables ne sort pas de nulle part : ce mécanisme est généralisé dans la haute fonction publique. Les DRH des hôpitaux l’appliquent au quotidien pour un nombre croissant de corps et de grades. C’est son application mécanique au corps des DH qui a d’emblée soulevé une opposition unanime des directeurs : l’argument de la comparabilité des règles statutaires, notamment avec les administrateurs civils, ne résiste pas à l’analyse des conditions exigées pour changer de grade. C’est pourquoi le SYNCASS-CFDT a bataillé pour en obtenir le retrait ou l’atténuation, par toutes les voies possibles, en multipliant les initiatives, seul ou avec les autres syndicats de directeurs.

Toutes les demandes ont été refusées par l’administration :  retrait de la mesure, report à 2025 qui aurait permis aux collègues entrés dans le corps avant la publication du décret de ne pas être touchés, assouplissement de l’exigence de mobilité requise pour l’avancement en la réduisant à un seul changement d’établissement… Le courrier commun du 21 octobre 2020 au Ministre de la Santé pour obtenir la suppression du ratio constitue la dernière tentative collective des syndicats représentatifs des directeurs. Notre action opiniâtre a néanmoins permis d’obtenir le report de l’application de la mesure à 2021, puis la détermination récente d’un ratio de 40% pour 2021, très supérieur à celui appliqué aux administrateurs civils (24%).

Pour le SYNCASS-CFDT, le maintien de cette disposition défavorable est d’autant plus grave que l’attractivité du concours est en berne et que le décret « emplois supérieurs » vient réduire les perspectives de carrière de façon inédite. Ce traitement de défaveur ne peut être, ni compris, ni accepté par des directeurs requis pour répondre à la crise épidémique et artisans d’une cohésion des communautés hospitalières.

LE RATIO, MÊME DE 40%, RALENTIT NETTEMENT LE DÉROULEMENT DE LA CARRIÈRE À PARTIR DE 2021

Les premiers effets de cette mesure pour les directeurs de classe normale apparaissent clairement dès les premières projections que l’on peut faire du tableau d’avancement 2021 :

  • 185 collègues remplissent les conditions d’ancienneté (4 ans) et d’échelon (le 6ème) et le document de travail du CNG dénombre 85 collègues remplissant aussi les conditions de mobilité. Parmi eux, 75 sont proposés par leur évaluateur. Le ratio de 40% aboutit à 34 nominations possibles. Le tableau d’avancement 2020 avait comporté 75 noms. C’est donc une diminution de plus de moitié !
  • Dans les premières projections du CNG, fondées sur les critères cumulés de l’ancienneté en classe normale et dans le sixième échelon, les collègues de la promotion sortie au 1er janvier 2017, venant juste d’atteindre l’ancienneté de 4 ans, sont écartés du tableau. L’application du ratio aboutit dès la première année à un allongement d’un an de l’ancienneté pour être inscrit.
  • Les collègues de la promotion titularisée au 1er avril 2016 qui remplissent les conditions, ne pourront pas tous être promus (10 sur 30). Le CNG a donc cherché des critères de départage et proposé celui de l’âge. Pour le SYNCASS-CFDT, seul un critère lisible et objectif peut avoir du sens, sachant que les fonctions occupées et la manière de servir ne peuvent les départager.

La mécanique du ratio, même maintenu au niveau de 40%, ce qui n’est pas acquis à ce stade, aboutira dans les prochaines années à un décalage des avancements pour les promotions EHESP titularisées à partir de 2016. Ce ralentissement des avancements augmentera donc le nombre de promouvables, ce qui élargira dans un second temps le nombre de promus, le rapprochant des chiffres antérieurs, mais consacrant durablement le décalage ainsi introduit.

UN PYRAMIDAGE CIBLE SANS UTILITÉ POUR LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES DU CORPS DE DH

L’application du ratio promus/promouvables va modifier substantiellement le pyramidage actuel du corps de DH, avec les nombreux départs en retraite de collègues de hors classe et de classe exceptionnelle et l’arrivée de promotions EHESP plus étoffées sur les derniers concours. La hors classe représente actuellement près de 80% des effectifs, l’objectif poursuivi par les pouvoirs publics est de la ramener à la proportion de celle des administrateurs civils, affichée à 62%. Pour les deux corps, c’est une politique totalement déconnectée de toute gestion prévisionnelle des ressources humaines, qui n’a en réalité qu’un objectif de maîtrise budgétaire de la masse salariale. Mais c’est oublier la fonte considérable des effectifs de DH en 15 ans, source d’une économie bien plus importante, passée par pertes et profits… C’est oublier aussi que les emplois de directeurs sont sans lien avec le grade, conformément au statut général de la fonction publique.

Car du point de vue de la gestion prévisionnelle, l’effet dans le temps de cette réforme, n’a pas été mesuré. Elle n’a été précédée, ni d’une projection des entrées dans le corps, ni de l’évaluation des effets du départ à la retraite des promotions les plus nombreuses. La montée en charge de la classe exceptionnelle, plus tardive que pour les administrateurs civils, n’est pas non plus prise en compte.

Rappel de quelques réalités :

Les administrateurs civils ne sont pas astreints à une obligation de mobilité préalable à l’inscription au tableau d’avancement à la hors classe. Même dans l’hypothèse d’une exigence future de mobilité accrue pour les administrateurs, la répartition géographique de la majorité de leurs emplois n’entraînerait pas les mêmes contraintes personnelles.

La structure actuelle du corps de DH entre classes, et la proportion élevée de directeurs dans les grades d’avancement, tiennent d’abord à la réduction drastique des recrutements par concours au cours de la dernière décennie.

En l’absence de critère déterminant, comment classer les promouvables DH, relevant d’un grand nombre d’évaluateurs, à la différence de la logique ministérielle appliquée à l’État pour ses services, qui procède par ministère ?

On pouvait espérer mieux de l’État employeur, qui a proclamé, dans le titre ronflant de la loi du 6 août 2019, son ambition de moderniser la fonction publique.

LES POINTS DE REPÈRE POUR L’ACTION DU SYNCASS-CFDT : UNE EXIGENCE MAINTENUE

La sélectivité déjà imposée par la condition de mobilité exige que le ratio soit maintenu à un niveau suffisant pour ne pas réduire les possibilités d’avancement à une portion congrue, aggravant ainsi le défaut d’attractivité de la profession et décourageant les espoirs d’évolution des plus jeunes professionnels.

À ce stade, sans préjuger des conclusions des travaux en cours avec le CNG qui se poursuivront le 3 mars, le SYNCASS-CFDT souligne que tout critère appliqué en 2021 n’aura de validité que cette année et ne pourra pas figurer à ce stade dans des lignes directrices de gestion, dont le but est de construire une doctrine stable à moyen terme. Tout d’abord parce que le SYNCASS-CFDT refuse le ratio tel qu’il a été conçu et imposé et maintient sa revendication de suppression. Ensuite parce que le bouleversement du système d’accès à la hors classe va très probablement produire des effets à plusieurs niveaux :

  • Dans l’évaluation, la proposition d’inscription au tableau est actuellement faite dans la très grande majorité des cas, dès que les collègues remplissent les conditions. Le ratio introduit un facteur de complexité qui affectera les positions des évaluateurs.
  • Dans la mobilité des directeurs en début de carrière, car l’existence du ratio peut conduire certains collègues à différer une mobilité précoce, dès lors qu’elle n’aura plus d’effet immédiat sur l’avancement.

Le contingentement ainsi créé affecte profondément la logique de la promotion à la hors classe et nécessite la détermination de critères de choix objectifs. Sans cartographie des emplois, sans une procédure d’évaluation adaptée à cette nouvelle exigence de la part des évaluateurs, sans avoir pu retravailler l’assouplissement des conditions de la mobilité, cela est impossible.

Le SYNCASS-CFDT demande donc l’ouverture de discussions statutaires pour porter les revendications suivantes :

  • La suppression du ratio pour l’accès au grade de la Hors classe, au motif qu’il n’améliore en rien la GRH du corps et que son application provoque d’évidentes difficultés pratiques.
  • Dans l’immédiat, l’application du ratio de 40% à une base élargie de promouvables, en ne considérant que l’ancienneté et l’échelon. La mobilité deviendrait un critère pour départager les promouvables. Sur le tableau de cette année, cette règle aurait permis d’inscrire tous les collègues proposés et de de maintenir le niveau des tableaux d’avancement de ces dernières années.
  • À défaut, l’assouplissement de l’obligation de mobilité en la réduisant à un seul changement d’établissement.

Mais dans le présent, le SYNCASS-CFDT ne tiendra pas un discours illusoire aux collègues. Les textes sont là et le refus du Ministère signe clairement l’échec d’une tentative visant à supprimer le ratio avant le tableau d’avancement 2021. Dans l’immédiat, il s’agit donc de permettre les promotions 2021 à la hors classe, même réduites de moitié par rapport à celles de 2020.

Il est aussi nécessaire de maintenir la pression sur le ministère, à travers nos interventions auprès du cabinet et de la DGOS et au sein du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, en insistant sur les conséquences réelles de ce contingentement et l’ampleur des effets délétères sur la gestion du corps des DH. Les pouvoirs publics doivent cesser de les dissimuler derrière la bannière de l’esprit d’engagement et du service public. Les directeurs sont des professionnels qui aspirent légitimement à la progression de carrière permise jusqu’à présent, car témoignant d’une gestion qui reconnaît leur engagement.

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