L’édito – Janvier / Février 2022

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Le SYNCASS-CFDT adresse ses meilleurs vœux à tous nos collègues et lecteurs. Pour la deuxième année consécutive, ils prennent une connotation particulière, tant nous sommes tous affectés par une pandémie dont on ne voit pas encore le terme, sans mésestimer ses soubresauts encore possibles.

L’année 2022 a commencé dans un contexte de crise sanitaire persistante, mais aussi d’exacerbation des tensions qu’elle suscite. L’usure et la fatigue sont d’autant plus intenses que la flambée des contaminations constitue une mauvaise surprise, qui contraste avec la même période l’année passée. L’absence de soins précoces entraînée par les déprogrammations et les déficits de professionnels tende un peu plus encore les capacités de prise en charge en soins critiques et provoque des dilemmes éthiques qui ne concernaient jusqu’alors que certains territoires. Les caractéristiques du variant omicron brouillent un peu plus les cartes. L’importance des contaminations, notamment dans le cadre familial et scolaire, altère la vie sociale dans son ensemble ainsi que le fonctionnement des établissements. C’est désormais la pression sur les capacités en lits de médecine et de rééducation et l’absentéisme très élevé qui rythment la vie hospitalière. Sans considération des pouvoirs publics, qui restent les yeux rivés sur la vaccination et les taux d’occupation des soins critiques, s’instillent plus fortement les interrogations et les doutes sur l’arsenal des mesures prises et leur caractère proportionné par rapport aux libertés publiques.

La ruée vers les tests, provoquée par la circulation du virus et les mesures précitées, dont l’accélération du calendrier de rappel vaccinal, ont mis les laboratoires de ville et les pharmacies sous pression. Dans ce contexte, la CFDT vient d’obtenir, dans la branche de la pharmacie d’officine, une revalorisation des salaires de 3%. En revanche, les négociations sur les classifications ont tourné court du fait, une fois encore, de représentants des employeurs peu enclins à les revaloriser. Pourtant, chacun sait le rôle des pharmaciens salariés face à la Covid-19. Ils ont suffisamment épaulé les gérants durant cette période pour avoir droit, comme eux, à une juste rétribution de leurs efforts.  La désaffection pour la profession s’explique essentiellement par l’absence d’un déroulement de carrière qui reste une revendication majeure de la CFDT.

Dans le secteur privé non lucratif, on déplore aussi les atermoiements des employeurs à saisir les opportunités issues de l’accord LAFORCADE. La convention collective unique du secteur que réclame la CFDT depuis plus de 20 ans est posée par l’Etat comme condition d’octroi du financement de la transposition des mesures du Ségur. Les chambres patronales restent pourtant en ordre dispersé, avec des stratégies confuses, qui ne permettent pas encore de discerner une issue positive à la négociation. Pour l’instant, seule une revalorisation hors grille salariale et conditionnée à une enveloppe est actée, ne permettant pas d’inclure les 100 000 salariés non couverts par une convention dans la branche.

Sur le terrain, les établissements du handicap et de l’enfance, publics et privés, sont toujours dans l’attente des mesures permettant le versement du CTI à l’ensemble des agents. Les directeurs doivent faire face à des difficultés de recrutement et de fidélisation des salariés, encore amplifiées par les décisions publiques. La fédération CFDT Santé-Sociaux est mobilisée sur cette mesure, tant il est crucial de sortir de l’immobilisme. La conférence des métiers de l’accompagnement du social et du médico-social, prévue dans l’accord LAFORCADE pour traiter de la question de l’attractivité, au-delà de la question salariale, a déjà été reportée à la mi-février 2022. Les échéances électorales ne doivent pourtant pas venir compromettre un enjeu aussi essentiel.

Les collègues du secteur public se trouvent dans une situation ambivalente. Des sujets nombreux et importants sont sur la table, mais leur traitement a pris du retard, en partie du fait de la traduction progressive des engagements du Ségur de la santé dans le droit. Pour le corps des ingénieurs, la discussion s’ouvre enfin, dans un calendrier très resserré par la fin de la législature. Le corps des attachés d’administration hospitalière est suspendu à la refonte du régime indemnitaire de l’ensemble de la FPH, qui peine à aboutir.  Les sujets annoncés pour les directeurs d’hôpital en 2021 ont à peine démarré : emplois fonctionnels, accès à la hors classe, évaluation des lignes directrices de gestion… L’unicité statutaire entre les DH et les D3S a enfin été reconnue comme un sujet à part entière par le ministère, plus de 10 ans après le protocole de 2011. Le SYNCASS-CFDT, avec le CHFO et l’UFMICT-CGT, demande une négociation, en rupture avec le refus unilatéral qui a prévalu jusqu’ici au motif du défaut d’unanimité syndicale. Les directeurs des soins ont obtenu une revalorisation statutaire qui a permis, enfin, de sortir d’un immobilisme mortifère. Mais la déception l’emporte, compte tenu d’une revalorisation tronquée, qui passe à côté de la pleine reconnaissance d’un corps de direction que nous continuerons à exiger. Les D3S chefs d’établissements des foyers de l’enfance, dont l’exercice dans la FPH est menacé par la loi 3DS, attendent, sans guère d’espoir, l’issue du processus parlementaire.

Bousculée par la crise sanitaire, la campagne présidentielle est lancée. Que l’on en soit satisfait, agacé ou lassé, au fur et à mesure que les candidats se révèlent, les sujets de préoccupation de nos secteurs d’activité apparaissent dans le débat. La santé y est présente, d’abord du fait de la situation et des choix gouvernementaux, mais d’autres sujets, très importants, ont été longtemps ignorés, en particulier le grand âge et l’autonomie. Préoccupation pourtant essentielle de nos concitoyens, la question revient dans le débat à l’occasion de la publication d’un livre mettant en cause le secteur privé lucratif et on peut s’attendre à ce que les programmes ou propositions des candidats déclarés s’en préoccupent plus nettement. A côté de la question de l’évolution du modèle de prise en charge, celle du financement collectif de la perte d’autonomie commence à concerner les générations nombreuses du baby-boom, laissant présager un choix majeur de la décennie.

Mais si les thématiques de santé sont bien présentes dans le débat public, elles le sont rarement selon un angle d’attaque constructif. La surenchère pour réduire les déserts médicaux sans changer grand-chose et la dénonciation paresseuse de la bureaucratie, à l’hôpital et dans les ARS, tiennent lieu de panacées. L’antienne du pouvoir rendu aux soignants (enfin aux mandarins médicaux surtout) fait écho à la pensée magique du ministère sur la réforme de la gouvernance, qui redonnerait foi et ardeur aux professionnels. Si le redéploiement, efficace ou non, des formations de personnels médicaux et non médicaux est en cours, la question de l’attractivité des métiers n’est que peu abordée ou de façon très vague. Les critiques sur les moyens octroyés par le gouvernement actuel sont de bonne guerre en cette période, d’autant qu’il a entretenu la confusion entre le modèle de financement et le niveau de celui-ci. Mais en fait, le désarroi est le même que dans d’autres services publics comme la justice ou l’éducation nationale : le sentiment d’un décrochage massif des rémunérations, des conditions de travail et de la considération des professionnels domine depuis 20 ans.

Dans ce contexte, les recommandations de la Cour des comptes sur l’avenir du système de santé résonnent comme le retour à un conformisme gestionnaire borné avec la mise en évidence de recettes éculées, comme le virage ambulatoire ou la maîtrise des prescriptions hospitalières réalisées en ville. Un rapport de la Cour note également que les efforts d’économies ont abouti à une part de PIB consacrée aux dépenses de santé en recul sur la décennie 2010, du fait d’ONDAM rigoureux et respectés. La Cour mentionne pourtant la pression des dépenses liée à l’évolution de la démographie de la France, avec une part croissante de sa population nécessitant plus de réponses, en particulier du fait des affections de longue durée. On mesure mieux l’effet de ciseau ravageur appliqué aux dépenses de santé depuis 10 ans, alors que les facteurs populationnels poussaient les besoins vers le haut.

L’urgence de débats politiques plus approfondis sur le système de santé et médico-social a conduit le SYNCASS-CFDT à s’associer à la lettre ouverte de la FHF, qui appelle les candidats à la présidence à débattre du système de santé, à la date anniversaire du premier confinement, le 17 mars. Sans qu’un basculement des priorités sur le sujet n’en soit acquis, cet appel inclut l’ensemble des secteurs de notre champ qui plaide pour une vision élargie du système de santé que le SYNCASS-CFDT partage.

C’est toute l’année 2022 qui mobilisera l’ensemble du SYNCASS-CFDT, tant sur les dossiers précités que sur ceux qui viendront ensuite, en fonction des arbitrages consécutifs aux échéances politiques. Il sera actif et présent pour peser sur les choix. De même les élections professionnelles dans la fonction publique, en fin d’année, seront l’occasion d’affirmer haut et fort nos priorités pour nos professions et de progresser encore en représentativité, grâce au soutien des adhérents et des collègues, condition de notre capacité future à les représenter et les défendre. A nous d’agir ensemble, dans ce contexte si compliqué, pour faire de 2022 la meilleure année possible.