N°03 // JUIN 2024

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Dossier juridique : Décryptage de l’article 37 de la loi n°2024-364 relatif à la maladie et aux congés payés

Chers collègues,

 

C'est avec plaisir que je viens vers vous afin de vous présenter une analyse minutieuse effectuée par Corinne Bernard, notre juriste spécialisée en droit social, concernant l'article 37 de la loi n°2024-364 portant sur la maladie et les congés payés. Cette nouvelle disposition légale entrée en vigueur le 24 avril 2024 revêt une importance capitale tant pour les salariés que pour les dirigeants, et il est important d'en saisir pleinement les implications et les avantages qu'elle offre.

 

Ce décryptage mettra en lumière les nouveaux droits et garanties octroyés par cette législation en matière de congés payés, ainsi que les points de vigilance à observer et les démarches à entreprendre pour en bénéficier pleinement.

Je vous encourage donc vivement à prendre connaissance de ce décryptage et reste à votre disposition pour toute question ou clarification supplémentaire à ce sujet.

 

Je vous souhaite une lecture enrichissante et vous adresse mes salutations distinguées.

La loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 réformant le régime des congés payés a été publiée au journal officiel le 23 avril 2024.

Elle est entrée en vigueur le 24 avril 2024.

Il s’agit de la loi dite DDADUE « Loi portant Diverses Dispositions d’Adaptation au Droit de l'Union Européenne », qui vient reconnaître l’acquisition de congés payés pendant l’arrêt maladie du salarié.

 

Concernant les salariés du secteur privé, elle fait suite aux quatre arrêts qui ont été rendus en ce sens le 13 septembre 2023 par la Cour de cassation. Elle est annoncée par le gouvernement comme mettant le Code du Travail en conformité avec certaines dispositions du droit de l’Union européenne en la matière mais force est de constater que toutes ne le sont pas.

Les nouvelles règles légales qui sont applicables aux salariés sont ici fixées par l’article 37.

Le nombre des congés payés acquis va être différent selon qu’il s’agit d’une maladie ou d’un accident d’origine professionnelle ou non :

 

  • Lorsqu’il s’agit d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail sans changement, les salariés continuent à acquérir 2,5 jours de congés payés par mois dans la limite de 30 jours ouvrables par an soit 5 semaines de congés payés.

 

La loi ne limite plus à un an l’acquisition de congés payés lorsque le salarié est en arrêt maladie lié à un accident du travail ou une maladie professionnelle. - article L. 3141-5 du code du travail

 

  • La loi prévoit que les périodes d'arrêt de travail pour maladie ou accident d’origine non professionnelle sont désormais assimilées à du temps de travail effectif. Elles vont permettre aux salariés d'acquérir des congés payés et vont venir compléter la liste des périodes considérées comme du temps de travail effectif fixée par l’article L 3141-5 du Code du travail. Donc, le nombre de jours de congés acquis par les salariés est de 2 jours ouvrables par mois, ce qui leur donne droit à 24 jours ouvrables annuels-soit 4 semaines de congés payés sur la période de référence (cette dernière courant du 1er juin au 31 mai de l’année suivante) – création de l’article L. 3141-5-1 du code du travail.

La loi fixe également un délai de report des congés payés lorsqu’il s’agit d’une maladie ou d’un accident d’origine non professionnelle. Ce report pourra aller jusqu’à 15 mois lorsque les salariés n’auront pas pu épurer tous leurs congés avant la fin de la période de référence c’est-à-dire avant la fin du mois de mai de l’année en cours- article. L. 3141-19-1 du Code du travail. A l’issue de ce report, les congés seront considérés comme étant perdus. 

Le point de départ du délai de report de 15 mois varie suivant la période au cours de laquelle les congés ont été acquis.

  1. Si les congés payés ont été acquis avant l’arrêt maladie du salarié, ce dernier disposera bien de 15 mois pour les prendre, mais ce délai ne commencera à courir qu’à compter de la date à laquelle l’employeur l’aura informé sur ses droits après la reprise de son travail. 
  2. Si les congés payés ont été acquis pendant un arrêt maladie qui aura été supérieur ou égal à un an, le délai des 15 mois pour les prendre sera accordé à compter de la fin de la période au cours de laquelle les congés ont été acquis
  3. Si les congés payés ont été acquis pendant un arrêt maladie qui aurait duré moins d’un an le salarié disposera 15 mois pour les prendre, mais ce délai ne commencera à courir qu’à compter de la date à laquelle l’employeur l’aura informé sur ses droits après la reprise de son travail. 

 

La loi prévoit donc une obligation d’information à la charge de l’employeur car c’est l'information du salarié sur ses droits en matière de congés payés à son retour qui va permettre de fixer le point de départ de cette période de report de 15 mois. 

 

L’employeur disposera d’un délai d’un mois, à compter du retour du salarié dans l’entreprise à la suite de son arrêt de travail pour informer ce dernier :

 

  • Du nombre de jours de congés qu’il a acquis

 

  • De la date jusqu’à laquelle ils peuvent être posés

 

Si le salarié reprend le travail alors que la période de report n'a pas expiré, cette dernière sera suspendue jusqu'à ce que son employeur l’ait informé de ses droits.

 

Ces informations pourront être communiquées au salarié par le moyen choisi par l’employeur dès lors qu’il pourra donner une date certaine à leur réception par exemple via le bulletin de salaire - création de l’article L. 3141-19-3 du code du travail

 

La loi offre la possibilité aux partenaires sociaux de négocier des accords de branche, d’établissement ou d’entreprise pouvant porter ce report au-delà de ces 15 mois. -Article L. 3141-21-1 du Code du travail 

 

Pour le calcul de l’indemnité de congés payés selon la règle "du dixième", le salaire fictif des absences pour accident ou maladie non professionnels, selon l’horaire de travail de l’établissement, sera pris en compte dans la limite de 80 % -article L. 3141-4 du code du travail modifié.

Ces nouvelles règles d’acquisition et de report des congés payés sont limitées dans le temps et rétroactives, autrement dit, elles s’appliquent aux situations antérieures à l'entrée en vigueur de la loi.

Concernant les salariés encore en poste

 

La loi limite leurs possibilités d'action en justice en leur appliquant un délai de forclusion de deux ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi. Les salariés auront donc jusqu'au 24 avril 2026 pour réclamer leurs droits à congés payés.

 

Mais ceux-ci pourront agir de façon rétroactive et réclamer des congés pour leurs arrêts remontant jusqu’au 1er décembre 2009 (c’est la date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne qui a donné une force juridique contraignante à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne).

 

Concernant les anciens salariés ayant quitté leur entreprise

 

La loi prévoit une application des règles de prescription de droit commun -soit 3 ans en matière de paiement de salaires). - -article L. 3245-1 du Code du Travail.

Concernant les salariés intérimaires, la loi prévoit l'assimilation du congé de paternité à du temps de travail effectif, permettant l'acquisition de congés payés.

Commentaires CFDT

Ces dispositions prises dans la précipitation par le gouvernement sont censées apporter des avantages aux salariés du privé en suivant les dispositions du droit de l’Union Européenne en la matière mais elles présentent également des inconvénients car elles ne les reprennent pas toutes à l’identique.

 

Avantages

 

La loi promeut désormais l’égalité de traitement entre tous les salariés. Qu’il s’agisse d’un arrêt de travail pour maladie ou accident, d’origine professionnelle ou non, tous les salariés ont le droit d’acquérir des congés payés. Auparavant, seuls les salariés en arrêt de travail pour des raisons professionnelles en bénéficiaient. Les autres ne pouvaient en bénéficier que si l’employeur le prévoyait.

 

En s’appliquant rétroactivement aux périodes d’arrêt maladie antérieures à son adoption, la loi permet aux salariés qui avaient été en arrêt maladie non professionnel avant son entrée en vigueur de bénéficier de congés payés.

 

Elle prévoit également un report de la prise de congés de quinze mois pour les salariés qui ont été en arrêt pour maladie ou accident d’origine non professionnelle. Et en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, l’indemnité compensatrice de congés payés ne peut plus être limitée à un an.

 

Toutefois la loi présente aussi des inconvénients car elle est, sur certains aspects, bien plus restrictive que ne l’est le droit de l’Union européenne en la matière. 

 

Inconvénients 

 

  • Elle vient complexifier la gestion des congés payés lorsque l'année de référence d'acquisition des congés comportera des périodes de travail effectif ou assimilée (hors arrêt maladie) et des périodes d'arrêt maladie. Un double décompte sera nécessaire car les droits seront différents selon les mois. Par exemple pour un salarié travaillant pendant 32 semaines (équivalent de 8 mois) et en arrêt maladie pendant 16 semaines (4 mois) il faudra calculer qu’il aura acquis 2,5 × 8 = 20 jours ouvrables de congés payés au titre des périodes de travail et 2 × 4 = 8 jours ouvrables au titre de l'arrêt maladie, soit au total, 28 jours ouvrables de CP. Les salariés devront donc être vigilants et vérifier ce qui aura été calculé.

 

  • L’indemnité de congés payés calculée selon la règle "du dixième est également impactée. ", la loi prévoit, en effet, que le salaire fictif des absences pour accident ou maladie non professionnels, selon l’horaire de travail de l’établissement, ne sera pris en compte que dans la limite de 80 %. Ceci est bien plus restrictif que pour les AT/MP qui sont à 100%. Ces 80% proviennent du fait que nous ne sommes plus sur cinq semaines de congés payés mais sur quatre lorsqu’il s’agit d’arrêts maladie ou accident d’origine non professionnelle. Ce point est plus restrictif que ce que prévoit le droit de l’Union européenne.

 

  • Cette loi induit une discrimination liée à l'état de santé : entre salariés malades et non malades (5 semaines pour les uns et 4 semaines pour les autres). Ceci n’est pas conforme au droit de l’Union européenne.

 

  • La disposition qui prévoit que les salariés ayants quitté définitivement l'entreprise depuis plus de 3 ans ne pourront plus agir en justice n’est pas non plus conforme au droit de l’Union européenne : c'est la date de fin de la période d'exercice des droits à congés qui aurait dû être prévue et non la date de la fin de la période d'acquisition.

 

  • La forclusion, passés deux ans, prévue pour une demande de rappel de jours de congés à compter de la publication de la loi est également insuffisante au regard du droit de l’Union européenne. 

 

Conclusion

 

Cette loi, nous venons de le voir, est plus restrictive que le droit de l’Union européenne sur de nombreux points en matière de congés payés lors d’un arrêt de travail pour maladie ou accident.

 

Les équipes syndicales devront donc, dès à présent, tenter de négocier des accords de branche, d’établissement ou d’entreprise afin de faire évoluer ces derniers sur le report qui peut être négocié et aller au-delà des 15 mois légaux. 

 

Elles devront parallèlement veiller à ce que les textes qui leur sont applicables soient en conformité avec la loi sur les autres points.

 

Les équipes devront également accompagner les salariés en poste qui auront perdu leurs congés du fait de la maladie car ceux-ci devront, quant à eux, agir vite car la loi leur applique un délai de forclusion qui n’est que de deux ans à compter de sa publication pour des arrêts pouvant remonter au 1er décembre 2009.

 

Quant à ceux ayant déjà quittés l’entreprise, ceux-ci ne disposeront que d’un délai de trois ans pour faire valoir leurs droits.

 

Il est clair que des contentieux seront encore certainement nécessaires pour faire avancer la législation française relative à la maladie et aux congés payés. Il est aisé de constater qu’il y a discrimination entre salariés malades et ceux qui ne le sont pas et que les dispositions prises ici ne sont pas toutes en conformité avec le droit de l’Union européenne.

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