Circulaire du Premier ministre : une autre méthode qu’un coup de règle sur les doigts s’impose

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Le SYNCASS-CFDT s’est déjà exprimé sur certains éléments de la circulaire du Premier ministre relative à l’efficience et à la performance des établissements de santé adressée aux ARS le 23 avril dernier. Il est pourtant nécessaire de revenir sur son contenu pour examiner en quoi elle peut affecter le dialogue de gestion avec les ARS, et par conséquent le pilotage des établissements. Pour indiquer également qu’il faudra plus que des rodomontades hiérarchiques, voire des menaces sur l’évaluation des directeurs, pour rétablir la crédibilité de l’Etat en la matière.

En premier lieu, le SYNCASS-CFDT tient à rappeler que la transparence fait partie des principes de la gestion des deniers publics. Il s’agit d’une exigence démocratique d’autant plus impérieuse en ces temps de défiance et de dévalorisation de la parole des responsables publics.

Malgré l’augmentation de l’ONDAM dans sa composante hospitalière, qui pourrait apparaître comme une situation favorable dans le contexte actuel, les établissements ont unanimement constaté un nouveau décrochage entre les coûts relevés et les financements octroyés.

La circulaire fait ainsi, et c’est son premier défaut, un diagnostic biaisé de la situation des établissements de santé. Outre le sous-financement de mesures salariales, à demi reconnu dans les couloirs ministériels, le creusement des déficits hospitaliers depuis 2019 est d’abord lié à la crise sanitaire et à ses prolongements : inflation, tensions majeures sur les recrutements médicaux et paramédicaux, niveau d’activité pré-Covid inégalement ou insuffisamment retrouvé.

La circulaire laisse penser que les mesures prises à partir de 2020, la garantie de financement notamment, auraient eu pour conséquence un relâchement de la maîtrise des dépenses. Or, les retours des établissements attestent d’une réalité différente : passée la première vague de l’épidémie, tous les établissements se sont efforcés de rétablir un fonctionnement « normal », avec comme priorité la restauration des capacités et de l’activité durement mises à mal. La survenue en 2022 et 2023 de fortes tensions inflationnistes non prises en compte dans l’évolution des tarifs et des dotations a constitué un nouveau choc, très sensible sur les énergies, les médicaments et dispositifs médicaux, l’alimentation… Enfin, les établissements engagés dans des opérations d’investissement importantes ont vu les taux d’intérêts augmenter, ce qui a pu compromettre la soutenabilité de certaines opérations.

Le financement des mesures salariales reste un sujet critique depuis le Ségur, qui concerne tant le secteur public que le secteur non lucratif. La récente revalorisation des astreintes médicales est enfin aboutie après moult atermoiements. Sa mise en œuvre en deux temps, baroque, devra être financée pour éviter une pression délétère sur la masse salariale et les emplois.

Le SYNCASS-CFDT l’a déjà exprimé : l’invocation de l’amélioration de la tenue des délais de notification des dotations par les ARS est un vœu pieux. Cela fait plus d’une décennie qu’on entend les mêmes engagements non tenus. Les calendriers budgétaires prévus dans les textes ne sont plus respectés. Le niveau 2025 des mises en réserve, plus d’un milliard d’euros, atteint un niveau inédit, qui correspond, grosso modo, aux crédits supplémentaires qui avaient été ajoutés dans la dernière ligne droite du débat sur l’ONDAM hospitalier. Qui peut croire, au vu d’un tel montant, que la dernière circulaire 2025 sera publiée début décembre ?

Un point positif est à souligner : la circulaire s’attarde sur les dettes sociales jugées inacceptables par principe, sur la nécessité de ne pas les augmenter et de les apurer. Le SYNCASS-CFDT avait déjà relevé l’importance des encours de cotisations de certains établissements, notamment vis-à-vis de la CNRACL. Le rappel des obligations en la matière est bienvenu car l’expédient du défaut et du retard de paiement de ces dépenses a pu être ponctuellement toléré, voire encouragé par certaines ARS. La compensation intégrale et dans la durée de cette hausse de cotisations annoncée dans le PLFSS pour les établissements de santé devra être effective. Elle doit être étendue, par tous les financeurs, aux EHPAD.

Le rappel fait sur le contrôle des dépenses d’intérim médical souligne en creux que les difficultés de régulation des pratiques ne sont pas réglées, en particulier dans les territoires où la continuité des activités doit être maintenue coûte que coûte.

La tonalité de la circulaire du Premier ministre se conclut par une menace explicite sur la rémunération des chefs d’établissement qui serait indexée sur les résultats budgétaires. Le ton est donné : fin du laisser-aller ; un coup de règle sur les doigts pour faire rentrer les coupables de laxisme dans le rang. Des gains achats improbables et des restructurations mort-nées sont invoquées comme panacée. C’est un air de déjà entendu pour les responsables hospitaliers : les critères et méthodes de pilotage qui ont fait la preuve de leur nocivité dans les années 2010 sont de retour.

Il faudra une autre méthode pour affronter les difficultés de la période qui s’ouvre :

  • De la lucidité sur le diagnostic des causes de l’aggravation des déficits.
  • De la cohérence dans la conduite des politiques publiques au niveau national et territorial.
  • Du courage dans l’animation du dialogue social dans les établissements.