Des directeurs des soins pendant la crise sanitaire Covid-19 : De l’utilité sociale à la considération statutaire

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Les directeurs des soins ont démontré, dans la crise sanitaire en cours, leur rôle irremplaçable pour l’organisation des activités et le fonctionnement des établissements. Leur place centrale doit être reconnue statutairement, comme le SYNCASS-CFDT le réclame de longue date. Pour cela, il faut maintenant que l’État nous écoute et qu’il passe aux actes.

Au sein des équipes de direction et des directoires dont ils sont membres à part entière, les directeurs des soins, ont été et restent confrontés à une crise inédite, qui bouleverse tous les paramètres connus. Ils sont habitués à gérer en sus des projets et d’un quotidien déjà exigeant, des crises locales, tant sanitaires (grippe saisonnière, bronchiolite…), que liées aux effectifs (redimensionnement, fidélisation des personnels malgré l’attractivité insuffisante…) ou aux parcours de soins. Qu’ils exercent dans les établissements ou dans les administrations, qu’ils assurent le pilotage des politiques de soins et médico-sociales ou celui des formations paramédicales, les directeurs des soins ont dû, comme tous les acteurs de santé, déployer, avec une intensité et une rapidité sans précédent, leurs compétences spécifiques et indispensables.

Il a fallu qu’ils anticipent, préparent, ajustent et réajustent les organisations de soins et de formation composant, du fait de l’épidémie et de l’état de crise sanitaire, avec les réponses inédites à apporter aux besoins critiques de santé publique, les ressources disponibles et celles cruellement manquantes, et les recommandations et consignes nationales et locales évoluant de jour en jour, quelquefois d’heure en heure et trop souvent de manière contradictoire. Avec l’encadrement de proximité et les équipes médicales comme au sein des équipes de direction, il leur a fallu revoir les organisations de travail, gérer les déprogrammations, prévoir les effectifs et la transformation des lits et assurer l’adaptation des services et unités à l’accueil prioritaire et en sécurité des patients COVID-19.

Leur vision fine des parcours patients sur les territoires et leurs analyses ont été prépondérantes pour aboutir à des organisations de prise en charge adaptées, répartissant les effectifs tout en tenant compte simultanément des compétences nécessaires et de la charge en soins conséquente, s’adaptant sans cesse au respect des consignes nationales et locales. Dans la situation inédite de cette crise sanitaire, ils ont dû assurer la mobilisation de personnels inquiets, à juste titre, des manques récurrents d’EPI, de matériels et de produits en très forte tension.

En permanence, les directeurs des soins ont joué leur rôle au sein des équipes de direction et des cellules de crise, pour favoriser et soutenir une organisation solidaire destinée à durer :

  • Pour que les organisations de soins répondent à la crise et à ses conséquences, ils ont veillé à ce qu’elles se construisent en bonne coordination entre tous, dans le respect des propositions et des compétences de chacun. Alors que certains professionnels ont parfois pu avoir l’illusion que la gouvernance consistait à agir sans regarder à la dépense et aux coûts, ils ont contribué, au sein des cellules de crise et dans les unités, à la mise en place et au bon dimensionnement de dispositifs économes en ressources matérielles et humaines, pour les préserver dans la durée, en gardant en réserve des professionnels et en leur accordant les repos indispensables.
  • Dans les instituts, la période a été un accélérateur d’une pédagogie à distance que les directeurs ont conduit, malgré l’hétérogénéité des outils informatiques et des ressources numériques parfois défaillantes. Dans ce contexte inédit, il a fallu garantir les bonnes conditions d’apprentissage : redistribuer les stages et retrouver des places, redimensionner les périodes (stages/formation), prendre en compte les situations socio-économiques personnelles, tout en maintenant les chances de réussite et l’acquisition des compétences des étudiants. Il a fallu répondre aux sollicitations des partenaires (gardes d’enfants, appui aux équipes, appui dans les EHPAD…).

Sur de nombreux territoires, la bonne collaboration, antérieure à la crise, entre collègues en établissements de soins et en instituts de formation s’est révélée, essentielle : elle a permis de maintenir les perspectives de diplomation et la formation des futurs professionnels, qui viendront relayer, cet été, les équipes sollicitées et épuisées. Malgré la situation bousculée, ils ont su préserver l’encadrement des étudiants paramédicaux qui ont pu ainsi constituer de précieuses forces supplémentaires dans les équipes soumises à rude épreuve.

  • Dans les établissements médico-sociaux, les directeurs des soins ont été tout autant exposés que le reste des équipes. Il leur a fallu mettre en place les dispositions de confinement des résidents, puis les assouplir, assurer le respect des gestes barrières malgré l’absence récurrente de protections individuelles, organiser les tests des résidents et des professionnels, gérer à distance le lien avec les familles en demande et parfois dans l’incompréhension et accompagner les équipes durement éprouvées.

Enfin, en ces temps d’incertitudes, les directeurs des soins ont su rassurer les paramédicaux et les étudiants, en garantissant des repères dans un exercice professionnel d’exception et en s’employant à répondre à des émotions légitimes qui, lorsqu’elles sont exacerbées, peuvent devenir source de conflits.  Il leur a fallu faire preuve de pédagogie et d’explications, lorsque les préconisations étaient significativement modifiées voire contradictoires, phénomène fréquent en cas de crise longue.

À n’en pas douter, les directeurs des soins, ont su faire preuve d’ingéniosité, d’agilité et d’une grande disponibilité dans une dynamique collective maintenue mais très éprouvante. Ce sans craindre pour leur propre santé, car comme tous les professionnels de santé, comme leurs collègues directeurs, comme les personnels des secteurs techniques, administratifs ou logistiques, ils ont été présents dès le premier jour de la crise et en conséquence exposés au virus.

Leurs compétences managériales indispensables à la gestion de la crise ont été appréciées. Bien sûr, on trouvera des appréciations variables dans la mise en place de la « chaine de commandement » que requiert une telle situation. Mais cela aura rendu plus visible encore et fini de démontrer, s’il en était besoin, qu’ils sont des directeurs à part entière, pleinement investis dans leur rôle stratégique au sein des directoires des établissements et des territoires et incontournables dans la coordination des actions des équipes. Enfin, cela démontre une nouvelle fois que la direction des soins ne peut plus être l’éternelle oubliée des débats sur la gouvernance. Cette réalité ne se terminera pas avec le déconfinement, car les plans de reprise progressive d’activité des établissements et instituts apporteront leur lot de difficultés organisationnelles et les directeurs des soins ne manqueront pas à l’appel !

Il serait dès lors impensable qu’aucune suite logique ne soit apportée à la revalorisation de leur statut, pour rompre avec les mesures antérieures très insuffisantes et rattraper enfin le retard pris, par un alignement des grilles indiciaires et du régime indemnitaire sur celui de leurs collègues adjoints des équipes de direction, que réclame depuis l’origine le SYNCASS-CFDT. La reconnaissance ne peut être uniquement ponctuelle, par une logique seulement indemnitaire, ni attendre d’autres situations sanitaires exceptionnelles (pandémies, canicules…) qui se produiront dans le futur.

Il est indispensable de corriger l’incongruité que représente le statut hybride actuel, qui ne se différencie plus avec celui, légitime, de l’encadrement supérieur et méconnaît la réalité des responsabilités. La perception, bien française, faite de logique hiérarchique et de référence systématique à la fonction publique de l’Etat est ici inopérante. Il s’agit de tenir compte des compétences et des responsabilités et elles sont considérables, de même que l’utilité sociale de nos fonctions. Que le niveau de rémunération soit corrélé à la très forte féminisation du corps est aussi un aspect qui ne peut justifier son insuffisance.

La CFDT santé-sociaux ne revendique pas autre chose dans son plan B pour l’hôpital, lorsqu’elle réclame la révision des grilles statutaires des personnels de la fonction publique hospitalière, défendant l’alignement du statut des directeurs des soins sur celui des autres directeurs adjoints. Les directeurs des soins sont, pour la plupart, issus de la filière infirmière, que la France rémunère très en deçà du salaire médian, à la différence de la plupart des autres pays de l’OCDE. Cela en dit aussi long sur la considération portée aux professions du soin.

Alors qu’au plus haut niveau de l’État, l’engagement moral pris est de corriger cette anomalie en revoyant les carrières et les rémunérations, il serait paradoxal d’en exclure précisément ceux qui ont la mission de coordonner les soins au sein des établissements. Le SYNCASS-CFDT aux côtés des directeurs des soins, une fois la crise passée, saura le rappeler avec force. Il ne sera pas question de les oublier.

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