Actualités des directeurs des soins : Faut-il vraiment réexpliquer encore leur place dans la gouvernance ?

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En cette fin d’année, les directeurs des soins des établissements et des instituts de formation sont engagés, comme les hospitaliers, dans le combat contre la COVID 19. Travailleurs trop peu visibles des organisations qu’il faut sans cesse adapter, ils restent dans l’attente de la revalorisation promise dans l’accord du Ségur de la santé. Elle arrivera bien tard pour restaurer l’attractivité du métier. Réformer le statut des directeurs des soins est indispensable, comme le SYNCASS-CFDT le réclame depuis longtemps. Mais il est bien dommage qu’une proposition de loi vienne à nouveau ébranler la place des directeurs des soins dans la gouvernance.

La dernière CAPN de l’année annulée… faute d’ordre du jour

La nouvelle formule de la CAPN, « simplifiée » par la loi qui prétendait au « meilleur accompagnement des situations individuelles complexes » pour « promouvoir un dialogue social plus stratégique et plus efficace dans le respect des garanties des agents publics » ne tient pas ses promesses. La loi de transformation de la fonction publique a surtout imposé la diminution radicale des attributions des CAP, réduisant le contrôle des procédures et actes de gestion par les représentants élus des personnels. Après une année de mise en œuvre, ces « simplifications » n’ont pas produit les effets promis. En vidant les ordres du jour et la substance même du dialogue, nous voyons clairement ce qui est perdu.

Conséquence directe de cette perte de substance, la dernière CAPN de 2020 est annulée, faute d’ordre du jour. Et en 2021, seulement deux CAPN sont planifiées, au lieu de quatre par an, comme antérieurement.

  • Au prétexte de simplification, nous avons perdu la vision des situations d’exercice professionnel, que l’examen en CAPN permettait. Il ne reste que l’examen des recours sur l’entretien professionnel, car il n’y a plus de recours possible sur l’attribution du coefficient de la part R. Cela fait perdre prise sur les réalités individuelles. Puisque les mobilités n’y sont plus présentées, nous avons aussi perdu la mesure des mouvements vers les établissements et les postes attractifs, celles des départs liés à l’exposition croissante à des situations difficiles, le repérage des emplois en déshérence qui n’est plus mesurable, ne laissant que les republications comme signaux d’alerte.
  • L’avis de la CAPN sur les mobilités et les mutations, en fin de processus, ainsi que sur les positions (détachements, disponibilités…) n’était pas une lourdeur procédurale, mais un levier pour informer et accompagner les collègues. Sa suppression traduit une vision gestionnaire et comptable, au prétexte de fluidité des parcours. La périodicité des séances, la possibilité pour les directeurs des soins de rejoindre leur poste sous réserve de l’avis de la CAPN assuraient une gestion efficace que la nouvelle formule appauvrit, sans apporter aucun avantage. La disparition de la compétence sur les avancements de grade et les promotions affaiblit le dialogue social et fragilise le contrôle du respect de l’équité de traitement des collègues.

Ce sont bien les directeurs des soins qui se trouvent ainsi privés de repères, ainsi que leurs syndicats, sans que ces pertes dommageables ne soient des simplifications. Les équipes du CNG n’y gagnent guère non plus, car les procédures évitées sont remplacées par la multiplication des interventions individuelles auxquelles les services de gestion ont du mal à répondre.

La négociation satisfaisante des lignes directrices de gestion et des modalités de fonctionnement est un point positif, qui a permis d’atténuer les conséquences de la loi, sans cependant les supprimer. Même si le CNG s’efforce de maintenir une gestion nationale des corps et des collègues en concertation avec leurs représentants, le dialogue social est inévitablement affecté par cette exclusion, voulue par idéologie, qui vise à décrédibiliser les représentants des personnels et à affecter leur légitimité, alors que leur regard complémentaire et leur expertise participaient utilement à la gestion nationale, sans confusion des responsabilités des syndicats et de l’administration.

Est-il possible de restaurer, et comment, l’effectif des directeurs des soins ?

Par la ténacité et la pugnacité, nous avons réussi à inscrire la revalorisation de la grille des DS dans l’accord du Ségur de la santé et le ministère a, enfin, admis la nécessité de rénover leur statut. Il va donc ouvrir un chantier portant également sur les voies d’accès au corps des directeurs des soins, dans un contexte assombri par la proposition de loi « visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification ».

  • Le principe de la revalorisation indiciaire est acquis pour les directeurs des soins. Mais le calendrier est strict. Les groupes de travail de l’accord du Ségur de la santé, signé par la CFDT, FO et l’UNSA, ont débuté en septembre. Malgré nos demandes réitérées de traiter le dossier des directeurs des soins au plus vite, la DGOS ne peut s’engager pour le moment que sur un début des travaux au mieux au mois de mai ou juin, en expliquant l’obligation de finaliser toutes les grilles des corps paramédicaux avant. Ce n’est qu’une fois ce travail achevé que débutera celui des directeurs des soins. La porte n’est cependant pas fermée à l’éventualité d’une accélération des travaux.

La revendication du SYNCASS-CFDT et des directeurs des soins depuis des années, reste inchangée : obtenir une revalorisation à la hauteur de leurs responsabilités au sein des équipes de direction et donc un alignement sur les grilles indiciaires et le régime indemnitaire des DH adjoints. Il est encore trop tôt pour la DGOS d’indiquer les marges de manœuvres de la négociation à venir. Le ministère de la fonction publique peine toujours à voir ce métier comme un métier de direction et celui de la santé préfère donc rester prudent sur ce qu’il sera possible d’obtenir en interministériel.

  • La restauration de l’attractivité nécessite un travail en profondeur sur le statut des directeurs des soins. La revalorisation est un préalable qui n’est plus remis en question, facteur majeur de l’attractivité du corps. Le SYNCASS-CFDT veut obtenir une rémunération des directeurs des soins, alignée sur celle des autres directeurs adjoints. Il rappellera, pour cela, que le corps des directeurs des soins n’est pas un avancement du corps des cadres de santé. C’est un autre métier, un métier de direction, pour lequel les candidats à la fonction quittent leur métier de soignant pour prendre, au sein d’une équipe de direction, des responsabilités qui sont de même nature que celles des autres cadres de direction. Ils y apportent une spécificité, précieuse et légitime, pour définir et conduire la politique de soins ou la politique de formation en instituts de formation. Ils occupent aussi des emplois et des fonctions qui ne leur sont pas spécifiques, comme, mais pas seulement, dans la gestion des risques et de la qualité ou des relations avec les usagers.

La cartographie lancée par le CNG, avec notre participation syndicale, visant à décrire la manière dont sont occupés les emplois des directeurs des soins, doit devenir une source de données utile à la réflexion sur les voies d’accès. C’est par une étude précise des besoins, une identification approfondie des facteurs d’attractivité et de motivation qui mènent à ce choix professionnel, que des pistes pourront être précisées, dont celle d’un tour extérieur. La DGOS et le CNG se sont dits prêts à étudier toutes les pistes qui seront avancées. Pour le SYNCASS-CFDT, le critère est, et reste, celui de la reconnaissance des responsabilités, pour permettre la rénovation en profondeur du statut des directeurs des soins. Nous portons le dossier depuis des années et ne lâcherons pas la pression, tant qu’il n’aura pas abouti.

Pour réaliser cette nouvelle étape pour le corps des directeurs des soins, nous allons donc nous appuyer sur la réalisation de la cartographie, qui n’est pas un but en soi, mais un moyen d’avancer et qui démontrera, notamment pour le niveau interministériel, la réalité des responsabilités assumées, essentielles au fonctionnement des établissements et des territoires. Cet investissement indispensable au service public hospitalier ne doit pas être dénaturé.

Une ombre au tableau cependant : le projet de loi de la députée RIST

Tandis que les travaux du Ségur démarraient en pleine crise sanitaire, le 22 octobre, la député RIST et le groupe LREM ont déposé une proposition de loi (PPL), réformant une nouvelle fois la gouvernance hospitalière. Déclinant certaines recommandations du rapport du professeur CLARIS et des orientations du pilier III du Ségur de la santé, sur la « simplification » du système de santé, trois articles de la PPL, maintenus dans le texte malgré les nombreux amendements votés par les députés, continuent d’inquiéter :

  • La création possible d’une commission médico-soignante (CMS) sous présidence médicale, qui ferait perdre l’instance dédiée à la filière paramédicale, chèrement gagnée. Nous refusons que le coordonnateur général des soins, président de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques (CSIRMT), puisse se trouver privé de ses responsabilités spécifiques, partagé entre sa loyauté au directeur, et à l’équipe de direction dont il est membre, et à sa légitime collaboration avec le président de la commission médico-soignante. Nous réclamons le retrait de cet article, dont la rédaction est incohérente. Elle ne renvoie pas à la présence de droit du président de CME et du président de la CSIRMT au sein du directoire. Elle est aussi incohérente dans l’article 9, qui prévoit la présence d’un nouveau membre au directoire, nommé parmi les membres de la CSIRMT.
  • Redonner une existence légale au chef de service, en « étroite collaboration » avec le cadre de santé, remet inutilement sur le tapis le sujet des liens hiérarchiques et fonctionnels, en particulier celui de l’autorité hiérarchique du chef de service sur le personnel paramédical. Il y a d’autres urgences à l’hôpital que de rouvrir des querelles de légitimité qui n’ont pas lieu d’être. Au coordonnateur général des soins, en accord avec le chef d’établissement, de porter au mieux la mise en œuvre d’un projet médico-soignant, dans la clarté des rôles respectifs de la direction, du corps médical et de l’encadrement, par un management actif.

Le SYNCASS-CFDT veut que 2021 soit une année riche d’opportunités pour faire reconnaître par l’Etat la fonction de directeur des soins et pour revaloriser la carrière de tous les collègues. Ils le méritent amplement et les établissements ont besoin de leurs compétences et de leur engagement. Ils pourront compter sur notre détermination syndicale. Notre ambition est et sera la leur. Jusqu’au résultat.

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