Le SYNCASS-CFDT a été reçu par la mission conjointe IGAS/IGF sur l’efficience des établissements publics de santé le 10 septembre en compagnie des autres organisations représentatives de directeurs de la fonction publique hospitalière.
Cette mission s’inscrit dans la suite des lettres circulaires d’avril 2025 de l’ex Premier ministre François BAYROU. Nous avions alors réagi sur ces instructions qui annonçaient le retour aux mesures d’économies et de maîtrise de la masse salariale auxquelles les établissements publics ont été soumis pendant la décennie 2010-2019 et qui nous avaient amené au bord du gouffre à la veille du Covid. Nous nous étonnons d’ailleurs que soit confiée à une autre mission IGAS l’analyse des écarts entre le coût réel des impacts financiers du Ségur et leur couverture par les financements accordés, partielle selon nous.
Notre méfiance a depuis été alimentée par les premières déclarations du nouveau Premier ministre, Sébastien LECORNU, à l’occasion d’une visite sur le terrain centrée sur l’accès aux soins. L’affirmation selon laquelle le problème des finances publiques viendrait de la décision de « mettre beaucoup d’argent dans l’hôpital public » laisse un goût amer aux hospitaliers : si cette phrase exprime une forme de regret, il faut rappeler au Premier ministre que le Ségur a constitué un rattrapage du niveau de rémunération des professionnels de santé publics par rapport à la moyenne européenne. Ce rattrapage du Ségur était souhaité par de nombreux acteurs et élus ; il venait après presque dix ans de blocage du point d’indice, expression du refus de l’Etat employeur d’améliorer le pouvoir d’achat de l’ensemble de ses salariés. Enfin, s’agissant d’un accord national négocié majoritaire, la critique sur « l’argent mis dans l’hôpital public » peut aussi s’entendre comme l’incapacité de l’Etat à assumer les conséquences, positives pour nous, d’une véritable négociation avec les syndicats.
Cette audition nous a donné l’occasion de rappeler que l’aggravation significative des déficits entre la période de pré-crise sanitaire et aujourd’hui ne résulte pas d’un présupposé relâchement de la gestion des établissements encouragé par les crédits accordés dans le cadre du Ségur de la Santé. Il faut y voir surtout la conséquence de facteurs exogènes clairement identifiés et de la pression à la reconstitution des équipes hospitalières pour retrouver le niveau d’activité pré-Covid.
C’est au contraire la poursuite des actions engagées depuis plus de 10 ans en matière d’efficience de gestion qui a permis à notre système public hospitalier de faire face aux chocs majeurs auxquels il a été confronté. Certes, cela n’a pu suffire à éviter le creusement des déficits des établissements induit par les revalorisations salariales issues du Ségur, indispensables mais partiellement compensées, ainsi que par la très forte inflation connue ces trois dernières années. Cependant, quel serait aujourd’hui le bilan dressé par nos gouvernants sur l’état des établissements si cette pression à l’efficience n’avait pas d’ores et déjà été appliquée dès la décennie 2010 ?
Dans ce contexte, le SYNCASS-CFDT l’a affirmé haut et fort : afin que ces énièmes travaux sur l’efficience soient utiles, il est absolument nécessaire de réviser le modèle de financement et d’organisation territoriale des soins en partant du simple constat de ce qui aurait déjà dû être fait :
- analyser la perte d’activité, et de son difficile retour au niveau pré-crise sanitaire, voire de sa profonde transformation. Dans un schéma T2A, l’activité doit être impérativement étudiée sous trois aspects : sous l’angle de sa dynamique locale (privant certains établissements d’un équilibre budgétaire possible), sous l’angle des tarifs (déconnectés des coûts) et sous l’angle de la pertinence (les effets de « rente » que cachent certaines activités programmées ont été décrits par la Cour des Comptes). Dans une optique de durabilité et de soutenabilité du système de santé dans son ensemble, l’absence d’analyse serait une faute ;
- la maîtrise de la masse salariale suppose celle des effectifs, exigence qui vient en contradiction avec le mouvement profond, voulu par la représentation nationale, d’élargissement de l’application des ratios de personnels. Le SYNCASS-CFDT soutient cette évolution, qui est fondée scientifiquement, à la condition que l’incidence de son financement soit mesurée et abordée en parallèle. Les impacts tant sur les coûts que sur la formation initiale ne sont à ce jour pas suffisamment documentés.
En conséquence, le SYNCASS-CFDT a appelé au cours de cet échange les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités vis-à-vis des populations et en particulier à agir pour :
- restructurer l’offre de soins existante afin de traiter la question des établissements pour lesquels la T2A et le poids des contraintes ne permettent pas d’envisager un équilibre budgétaire ; ou, à l’instar des hôpitaux de proximité, imaginer un autre mode de financement si les plateaux techniques ou services spécialisés tenus par ces établissements doivent absolument être maintenus pour garantir l’égal accès aux soins de tous les citoyens ; nous plaidons dans ce cadre pour un service public de l’accès aux soins financé ;
- réguler l’installation médicale dans la triple optique d’une meilleure répartition de la ressource médicale entre les territoires, entre les spécialités qui n’ont pas toutes le même rôle dans l’accès aux soins et entre le secteur public et le secteur privé, en favorisant clairement les médecins qui prennent en charge tous les patients sans sélection préalable ;
- piloter le système de santé non plus par les revenus des acteurs mais par la réponse aux besoins des usagers. Travailler sur le financement solidaire de la seule activité pertinente est l’unique solution qui permettra d’entamer réellement le virage de la prévention, dont la définition et conséquence imparable est à rappeler, à savoir se priver d’activités futures.
Cette approche nécessite du courage vis-à-vis des élus locaux et des populations. L’avis scientifique des sociétés savantes doit être pris en compte afin de déterminer les conditions techniques et professionnelles indispensables pour garantir la qualité et la sécurité des soins au bénéfice des usagers. A ce titre, l’exemple des maternités est marquant, d’autres pays européens ayant montré la voie à suivre en termes d’organisation territoriale. C’est aussi un domaine où l’évolution négative des résultats des indicateurs suivis sur la longue période en matière de périnatalité n’a suscité en France aucune recherche des causes profondes ni ré-interrogation du modèle. On voit trop souvent les élus souhaiter le maintien à tout prix de structures fragiles au plan des soins qui, par ailleurs, n’ont pas l’activité suffisante pour s’équilibrer au plan budgétaire.
Agir plutôt que missionner, voilà la vraie responsabilité des politiques publiques que le SYNCASS-CFDT soutiendra.