Projet de loi 3DS : Un accord trouvé in extrémis entre députés et sénateurs

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Après plusieurs navettes parlementaires, la loi 3DS vient de faire l’objet d’un accord en commission mixte paritaire. La loi sera ainsi définitivement adoptée. Elle intègre l’article 40 rattachant les directeurs des établissements de la protection de l’enfance à la fonction publique territoriale, mesure qui ne faisait pas l’objet d’un désaccord entre les deux chambres. Une mesure préjudiciable contre laquelle le SYNCASS-CFDT est intervenu à tous les niveaux pertinents. Il fait le point sur ses actions.

La commission mixte paritaire réunie le 31 janvier 2022 a trouvé un accord sur le projet de loi décentralisation, différenciation, déconcentration et simplification dite « 3DS », permettant l’adoption définitive du texte la semaine prochaine. Un échec de la commission aurait certainement été fatal à ce projet de loi car il aurait été difficile d’en envisager une nouvelle lecture compte tenu de l’ordre du jour très chargé avant la clôture de la session parlementaire, à la fin du mois de février.

La publication de la loi actera, dans son article 40, le rattachement des directeurs d’établissements des services départementaux de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et des maisons d’enfants à caractère social, relevant actuellement de la fonction publique hospitalière, à la fonction publique territoriale.

Le SYNCASS-CFDT ne peut que regretter que ses multiples alertes et propositions de solutions alternatives depuis la transmission de ce projet de loi n’aient trouvé aucun écho favorable, ni auprès du CNG, ni auprès de la DGOS, ni auprès du gouvernement, ni auprès d’une majorité de parlementaires.

  • Lors de la réunion d’information des syndicats de directeurs tenue à la va-vite par la DGOS en présence du CNG le 9 mars 2021, le SYNCASS-CFDT a en premier lieu argumenté l’incohérence d’une telle mesure pour la prise en charge des enfants à l’opposé de la conception de la santé publique qu’il défend, celle de la santé globale au sens de l’OMS et pour laquelle les D3S sont formés et expérimentés. Il alertait déjà sur de nombreuses incohérences statutaires dont ni la DGOS, ni le CNG n’avaient mesuré les effets. Le projet de loi ne comportait d’ailleurs aucune étude d’impact digne de ce nom.
  • Dès la commission des statuts du 17 mars 2021, il a été le seul à pointer les incidences et impacts statutaires négatifs et concrets d’une telle mesure : perte de visibilité de la vacance des emplois, risque de perte de compétences faute d’exigence de niveau de qualification, incertitude sur les intérims de direction, impact sur les directions communes et les établissements mixtes handicap et enfance, modifications rendues nécessaires des décrets « emplois supérieurs » et « appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de la FPH », liste des emplois D3S relevant toujours de la FPH, incertitudes des modalités concrètes de détachement…
  • Lors du CSFPH du 25 mars, la délégation CFDT Santé-Sociaux, dont la secrétaire générale adjointe du SYNCASS-CFDT est membre, a porté un amendement demandant la suppression de l’article du projet de loi. Face à la fin de non-recevoir du gouvernement ignorant nos arguments motivés, la CFDT a voté contre ce projet. Lors du conseil supérieur de la fonction publique territoriale du 17 mars, la CFDT Interco (fédération CFDT syndiquant les agents de la fonction publique territoriale) a également eu la même position.
  • Le 8 avril 2021, le SYNCASS-CFDT a participé, au sein d’une délégation de la CFDT fonctions publiques, à une rencontre multilatérale avec le cabinet de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, pour présenter son argumentation contre le transfert des directeurs des IDEF à la fonction publique territoriale.
  • Le 5 mai, une délégation de la Confédération CFDT a été reçue en bilatérale par le cabinet de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Le SYNCASS-CFDT, représenté par sa secrétaire générale, a pu exposer son analyse sur toutes les incidences de cet article, tant sur les politiques publiques de santé que sur les logiques statutaires et les principes de la GRH. Une note détaillée a ensuite été transmise au cabinet de la ministre explicitant tous les impacts négatifs de ce projet et proposant une solution alternative
  • Le 16 juin 2021, une rencontre multilatérale, initiée par la CFDT, a eu lieu avec ce même cabinet, associant les représentants de l’Assemblée des départements de France, qui ne sont finalement pas venus.

La contre-proposition formulée parallèlement par le SYNCASS-CFDT permettait de renforcer le rôle des présidents de conseils départementaux dans le recrutement des directeurs, en les désignant comme autorité de recrutement et d’évaluation sans besoin de recourir à la loi. Cela n’aurait nécessité que des modifications règlementaires et répondait, dans de meilleures conditions pour les collègues et les établissements, aux attentes des élus départementaux et de l’Assemblée des départements de France :

  • Il suffisait de modifier le décret n° 2020-959 du 31 juillet 2020 relatif aux emplois supérieurs de la fonction publique hospitalière, pour faire du président du conseil départemental l’autorité de recrutement qui formule le choix à l’autorité de nomination qu’est la directrice générale du CNG, après le respect de la procédure, sans avoir besoin de passer par la loi.
  • Le transfert de l’évaluation de ces directeurs au président du conseil départemental aurait été possible en modifiant le décret n° 2020-719 du 12 juin 2020 relatif aux conditions générales de l’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de la fonction publique hospitalière.

Le président du conseil départemental aurait ainsi été l’autorité de recrutement et à ce titre l’autorité d’évaluation. Il aurait également eu la responsabilité de définir la fiche de poste obligatoire à la publication d’une vacance d’emploi. Une lettre de mission lors du recrutement sur les objectifs de la mission et du poste aurait pu également être envisagée. Cette solution maintenait ainsi les emplois et ceux qui les occupent dans la fonction publique hospitalière, avec les garanties correspondantes.

La procédure législative relative à ce projet de loi a débuté le 5 juillet en séance publique au Sénat. Au vu des risques juridiques, des inconvénients, de la complexité accrue, le SYNCASS-CFDT a poursuivi sa mobilisation en adressant un courrier à l’ensemble des sénateurs et députés pour réclamer l’abandon de l’article 40 et porter son analyse et ses propositions alternatives.

Lorsque le projet de loi adopté par le Sénat est arrivé en première lecture à l’Assemblée nationale, le SYNCASS-CFDT a de nouveau adressé un courrier aux membres de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République afin de soutenir l’amendement, déposé le 17 novembre par M. TOURAINE, Mme BEAUDOUIN-HUBIERE, Mme MAQUET, M. MIS et Mme VIDAL, demandant la suppression de l’article 40 (LIRE LE COURRIER). Mais cet amendement n’a pas été retenu par la commission.

Deux nouveaux amendements tendant à supprimer l’article 40 ont été déposés par la suite et examinés en séance publique le 16 décembre dernier. Ces amendements ont été rejetés au motif du faible nombre de directeurs concernés et de la supposée cohérence entre cette mesure et la responsabilité des départements dans la protection de l’enfance, sans tenir compte de ses effets délétères.

Le message est donc clair, il s’agit avant tout de donner satisfaction à quelques présidents de conseils départementaux ainsi qu’au président de l’ADF, élus locaux largement ignorés en début de quinquennat. Et qu’importe si c’est au détriment de l’intérêt général et préjudiciable au management des établissements et aux directeurs de la FPH.

Depuis la transmission de ce projet de loi au Conseil d’Etat, le SYNCASS-CFDT n’a cessé d’avancer ses arguments et de multiplier ses interventions en faveur du maintien des directeurs des IDEF et des MECS dans la fonction publique hospitalière. Il a mené cette action collectivement avec les autres syndicats de directeurs ainsi que le CoD3S et le GEPSo.

Mais par la suite, au lieu de poursuivre le front commun contre un projet délétère, le syndicat minoritaire a préféré jouer la division, dans ce dossier comme dans d’autres. En tirant prétexte du vote de la loi en première lecture, il a tenté de faire croire, en travestissant la réalité, que les autres syndicats en auraient été la cause, on ne sait comment, alors que notre opposition radicale a été constante et à tous les niveaux pertinents. Il porte ainsi la lourde responsabilité de l’affaiblissement de notre parole collective.

La réalité est bien d’une autre nature : les directeurs, seuls, ne peuvent faire le poids face au lobby des présidents de conseils départementaux et le gouvernement est soucieux, dans un contexte très complexe pour lui, de leur donner des gages à bon compte. Il est regrettable que l’intérêt des établissements et des usagers soit ainsi sacrifié à des préoccupations politiques discutables. La suite, hélas, ne pourra que donner raison à nos alertes.

C’est en tout cas une raison de plus pour que le SYNCASS-CFDT, comme il l’a toujours fait dès lors que cela est de l’intérêt de notre profession et de tous les collègues, favorise le front commun des syndicats de directeurs. L’unicité statutaire que nous réclamons est, justement, le moyen privilégié pour conforter la fonction de direction et la pérennité des emplois sanitaires, sociaux et médico-sociaux dans la FPH. Crier au loup sur un démantèlement du corps D3S en cherchant à en faire porter la responsabilité aux autres, est vain pour servir la cause des établissements et des collègues.

Pour sa part, le SYNCASS-CFDT dès la promulgation de la loi, sera comme toujours aux côtés des directeurs concernés par le détachement dans la FPT qui s’imposera, pour défendre leurs intérêts et les conseiller.

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