Décryptage
Analyse comparative du statut des administrateurs de l’État

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La réforme engagée depuis 2021 dans la FPE a vocation à concerner l’ensemble de l’encadrement supérieur et à être déclinée de manière adaptée aux cadres supérieurs et dirigeants des deux autres versants de la fonction publique, ainsi qu’aux membres des juridictions administratives et financières.

Dans ce cadre, des discussions statutaires ont été ouvertes par la DGOS concernant la transposition aux directeurs de la réforme du statut des administrateurs de l’État. Il est donc important d’identifier et d’analyser les principes qui organisent ce statut au regard des conditions statutaires actuelles des corps de direction de la FPH.

 

Références règlementaires

L’analyse des grilles indiciaires est fondée sur une comparaison avec les grilles du corps des DH qui avaient été alignées sur celles des administrateurs civils en 2018.

La réforme de la haute fonction publique est une des mesures de fond issue de la crise des gilets jaunes. Cette réforme affichée en support de la suppression de l’ENA a fait partie des mesures symboliques destinées à rendre l’administration moins élitiste et plus proche des citoyens pour l’adapter aux nouveaux enjeux de l’action publique. À la sortie du nouvel institut qui remplace l’ENA, tous les élèves intègrent un corps unique, celui des administrateurs de l’État, avec un espace de carrière commun destiné à promouvoir la mobilité entre métiers et périmètres d’action de l’administration.

La construction du statut d’administrateur de l’État a aussi répondu à une restructuration profonde des corps de la fonction publique de l’État. Présentée comme le moyen « d’œuvrer à des recrutements plus ouverts, plus diversifiés et de dynamiser les formations, les parcours et les carrières », elle traduit la volonté de simplification des corps et l’objectif de substituer à la logique de corps une logique de métier. La création d’un corps d’administrateur de l’État réunit quinze corps, dont celui des administrateurs civils qui est le corps miroir du corps des DH, c’est-à-dire celui sur lequel les grilles DH se sont progressivement alignées*. La réforme impose donc une restructuration importante par fusion de ces corps, dont des corps prestigieux comme les hauts fonctionnaires du quai d’Orsay et ceux de la préfectorale.

Sur le principe, le nouveau dispositif de rémunération a l’ambition d’être attractif et corrélé aux responsabilités et aux résultats. Un alignement est réalisé à la hauteur des niveaux indiciaires et des plafonds indemnitaires les plus élevés dans les corps existants et son évolution est plus largement déterminée par la prise de responsabilités ou le risque d’exposition sur des postes supérieurs.

Les grilles de rémunération reposent sur trois grades, mais elles présentent des différences importantes avec le statut actuel de DH :

  • Le corps des administrateurs de l’État reste structuré en trois grades mais pyramidé par un grand nombre d’échelons, 30 à 32 par grade qui permettent de dérouler toute une carrière. Les indices sommitaux des trois grades sont très supérieurs au corps des administrateurs civils. Le premier grade culmine à 100 points au-dessus du premier grade DH CN. Le deuxième grade atteint la hors échelle F et le troisième la hors échelle G. Cet échelonnement permet une progression rapide sur les dix premiers échelons puis plus lente mais continue jusqu’à la fin de la carrière. Une évolution indiciaire, même faible, est possible, y compris sans changer de grade. Tous les échelons durent 18 mois sauf les six premiers du premier grade (1 an) :
    • le premier grade permet de dérouler une carrière théorique de 42 ans (sans bonification d’avancement) et culmine à l’IB 1336, soit hors échelle B ;
    • une comparaison des six premières années de la carrière du premier grade montre un gain moyen de 19 points bruts entre les grilles d’AE et de DH. Au bout de six ans, l’écart est de 47 points ;
    • les six premières années de la carrière du deuxième grade permettent un gain moyen de 7 points bruts entre les grilles d’AE et de DH. Au bout de six ans, l’écart est de 69 points. La grille culmine à l’IB 1806 (contre 1430 pour la grille de DH HC), soit la hors échelle F ;
    • le troisième grade culmine à l’IB 2074, soit au-dessus de la HEG ;
    • l’échelon spécial est supprimé.

 

  • Les règles d’avancement de grade sont simplifiées avec une seule mobilité exigée pour chaque promotion, le détail du critère étant défini dans les LDG. La durée de fonctions minimale est de six ans pour accéder au deuxième grade (actuellement quatre ans pour les DH, mais condition d’échelon en sus) et de dix ans pour le troisième. Le ratio promu/promouvable est supprimé mais il subsiste de fait des quotas de promotion et une sélection par le biais de la proposition au tableau d’avancement.

 

  • Une innovation est l’articulation entre le déroulement de la carrière et l’occupation des emplois. Elle concerne les fonctionnaires qui accèdent aux emplois supérieurs et aux emplois fonctionnels. Il n’y a plus de grille spécifique aux emplois fonctionnels, mais un système d’accélérateur de carrière (bonification d’ancienneté) lié à l’occupation des emplois et à la durée de fonctions. Le fonctionnaire reste sur sa grille mais sa carrière est accélérée par des réductions de durée d’échelon (six mois de bonification pour les emplois les plus importants, quatre ou deux mois pour les emplois de moindre importance). La notion de « condition exceptionnelle d’exercice des missions » définie dans les LDG permet une bonification d’ancienneté supplémentaire. Cette construction permet de gérer différemment les sorties d’emploi fonctionnel, non par des mesures compensatrices provisoires comme actuellement chez les DH, mais par la simple conservation des bonifications d’avancement. Cela permet de concevoir les carrières d’une manière plus souple, sans rétrogradation dans l’échelle indiciaire.

 

  • Les emplois fonctionnels sont classés en quatre catégories. Un régime indemnitaire est associé à chacun d’eux. La NBI est supprimée.

 

  • Les administrateurs de l’État bénéficient du RIFSEEP, régime indemnitaire composé d’une part principale liée à l’exercice des fonctions (modulable en fonction de l’expérience acquise, de la prise de responsabilités ou de la mobilité) et d’une part variable en fonction des résultats. Celle-ci représentera désormais jusqu’à 30% du montant global de primes et sera déterminée par le niveau d’atteinte des résultats collectifs et individuels fixés annuellement. Ce complément indemnitaire annuel (CIA) correspond à la part résultats de la PFR. Il est fluctuant et n’a pas de socle : il n’y pas de montant garanti par rapport à l’année précédente, ni de progression systématique, mais une détermination annuelle en fonction de l’évaluation. Dans la plupart des cas, le CIA a une proportion plus faible dans le régime indemnitaire que celle observée sur la part résultat actuelle des DH. La part fixe appelée IFSE varie en fonction de l’emploi mais comporte aussi une clause de revoyure en dehors des modifications liées au changement d’emploi. La comparaison avec la PFR demande à être approfondie, mais cette voie est intéressante pour redonner des perspectives d’évolution par rapport à la situation de blocage de la PFR observée pour de nombreux collègues.

Cette construction statutaire présente des innovations et des perspectives intéressantes tant au niveau des grilles, des conditions de changement de grade que dans la structuration du régime indemnitaire et l’articulation entre grilles statutaires et emplois fonctionnels. Tout mécanisme de transposition à la FPH devra cependant faire l’objet d’un examen approfondi.

Nathalie MARCZAK et Lionel PAILHÉ