Ordonnance et proposition de loi sur la gouvernance : Des mauvais coups révoltants contre les directeurs des soins

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Le projet d’ordonnance et la proposition de loi « visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification » constituent de fortes remises en cause de la gouvernance, à un moment où les hôpitaux subissent à la fois la crise sanitaire et les difficultés liées aux choix politiques antérieurs (démographies professionnelles en berne, pression financière).

Ces textes prévoient une déstabilisation de la fonction de direction. Celle du chef d’établissement, en ouvrant de larges champs de codécision avec le président de la CME, mais laissant bien la responsabilité légale au seul directeur. Celle du coordonnateur général des soins, en le privant de la présidence de la CSIRMT fragilisant ainsi son rôle dans l’organisation des soins, même s’il reste membre du directoire.

Le SYNCASS-CFDT réfute cette logique de déconstruction et persiste à dire, haut et fort, que les établissements ont besoin d’une répartition claire des compétences et de directeurs des soins confirmés dans leurs missions indispensables à la bonne marche des hôpitaux. Il réclame la correction des projets en cours et la reconnaissance statutaire trop longtemps refusée.

Des projets qui ne sont pas en phase avec la réalité des établissements

Le 18 février 2021, le Sénat a adopté en première lecture, avec de substantielles modifications, la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification (PPL RIST). Ce texte a pour ambition de traduire le volet non financier du Ségur de la santé et notamment la rénovation de la gouvernance hospitalière, perçue aujourd’hui comme trop rigide et trop éloignée de la prise de décision des acteurs de terrain.

Les mesures proposées s’inspirent du rapport de la mission sur la gouvernance et la simplification hospitalières, présidée par le Professeur Olivier Claris. Elles consistent à remettre le service et le chef de service au cœur de l’hôpital, à donner plus de souplesse aux hôpitaux dans leur fonctionnement et leur organisation, à permettre la fusion des Commissions médicales d’établissement (CME) et des Commissions de soins infirmiers de rééducation et médico-techniques (CSIRMT), à élargir les directoires des EPS, et par ailleurs à réprimer plus systématiquement le recours irrégulier à l’intérim médical….

Certains amendements adoptés par le Sénat lors des séances des 17 et 18 février 2021 amèneraient de nouvelles et très sensibles évolutions dans la gouvernance hospitalière, et plus particulièrement au niveau de la CSIRMT, allant jusqu’à remettre en question sa présidence de droit par le coordonnateur général des soins. Celui-ci resterait membre de droit du directoire, mais ne serait pas éligible à la fonction de président, le projet prévoyant une élection parmi les seuls personnels que la CSIRMT représente.

Pour justifier l’article 6 adopté par le Sénat, le rapporteur de la commission des affaires sociales, a tenu des propos consternants : « le défaut d’attractivité pour les personnels paramédicaux fait peser une menace extrêmement préoccupante sur l’avenir de l’hôpital public, et le défaut de participation de ces corps à la direction en est une des principales causes. Sont directement visées l’absence de vocation représentative de la CSIRMT et la nomination de sa présidence » :

  • Imaginer que les problèmes de recrutement et de fidélisation des soignants seraient dûs à une problématique de « pouvoir soignant », c’est ne rien connaître de ce que vivent les hospitaliers !
  • Après la loi réduisant le rôle des instances représentatives des agents, donc de leurs syndicats, suggérer que la CSIRMT remplisse le rôle du CSE, c’est ne rien connaître du dialogue social.
  • Imaginer que le directeur des soins, coordonnateur général des soins, soit privé du pilotage des travaux de la CSIRMT qui travaillerait en autonomie, c’est ne rien connaître de l’hôpital.

Le code de la santé publique, dans son article L. 6146-9 consacré à la coordination générale des soins, place la CSIRMT auprès du coordonnateur général des soins qui en est le président. Pour le SYNCASS-CFDT, c’est un point majeur de l’organisation hospitalière, qu’il est indispensable de conserver et de conforter, non de le remettre inutilement en question.

La piste d’une réflexion commune entre la CME et la CSIRMT mérite d’être creusée, dans une logique de dialogue utile à la définition des projets, mais pas dans une vision corporatiste qui ferait d’ailleurs systématiquement primer l’avis médical sur celui des autres catégories professionnelles au service des patients. En particulier, le discours corporatiste réclamant un triumvirat à la tête des EPS, qui s’appuierait sur l’implication des présidents de la CME et de la CSIRMT, est une illusion qui a volé en éclat.

Le SYNCASS-CFDT souligne qu’une fois de plus, l’Etat joue au meccano institutionnel, sans prendre la peine et le temps de consulter sérieusement les premiers intéressés. Des consultations ont eu lieu lors de la mission CLARIS, mais sans réelle confrontation des points de vue, pour aboutir à un consensus de façade : il y a loin du verbe au texte ! Des contributions ont été possibles lors du Ségur de la santé, mais à la va-vite, dans des conditions faisant peu de cas de la parole des directeurs des soins et de leurs syndicats. Et mettant sur le même pied les collectifs, associations, corportations… Peu de cas aussi de l’expression syndicale, hormis pour le volet important des carrières et des rémunérations. Pour le SYNCASS-CFDT, celles des directeurs des soins sont un enjeu essentiel et plus qu’urgent pour l’attractivité du corps.

Cependant, lors de l’examen de la proposition de loi au Sénat, le gouvernement a déposé un certain nombre d’amendements visant à rétablir des articles dans leur rédaction initiale, notamment celle de l’article 6, qui ne prévoyait pas d’élection pour la présidence de la CSIRMT. A ce jour, le texte ne peut encore être considéré comme voté. La procédure législative va se poursuivre par un examen en commission mixte paritaire, dont la première réunion est programmée le 2 mars. Le SYNCASS-CFDT lui fera connaître, tout comme il l’a fait précédemment auprès de l’ensemble  des sénateurs, sa ferme opposition argumentée aux évolutions introduites par cette proposition de loi.

Si un accord n’est pas trouvé à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire, le texte sera de nouveau présenté à l’Assemblée nationale, qui aura le dernier mot avant sa promulgation.

Les travaux à venir devront également veiller à la cohérence entre cette proposition de loi et les dispositions de l’ordonnance prévue par l’article 37 de la loi OTSS. Les dispositions règlementaires qui l’accompagneront, notamment l’article R.6146-11 modifié, prévoient que « la CSIRMT est présidée par le coordonnateur général des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques ».

L’action constante du SYNCASS-CFDT au service des directeurs des soins

Le SYNCASS-CFDT a fait connaître de manière répétée ses positions concernant les menaces sur la fonction de directeur des soins et son avenir dans la fonction publique hospitalière. Il poursuit ses actions face aux changements voulus par les pouvoirs publics, sous le sceau de médicalisation de la gouvernance. Mais reconnaître l’importance et l’intérêt d’une participation médicale aux décisions ne peut se faire mépris de la cohérence, ni au détriment des autres acteurs hospitaliers.

Face aux perspectives de déconstruction de leurs missions et au déni de leur rôle pourtant indispensable, la colère des directeurs des soins est légitime et leur syndicat la partage !

Le SYNCASS-CFDT communique

Le SYNCASS-CFDT a, de nombreuses fois, fait connaître ses positions sur les projets d’évolution de la gouvernance hospitalière et sur la légitimité des directeurs des soins dans les équipes de direction et notamment au cours des derniers mois.

  • 12 juin 2020, Un manifeste pour les directeurs des soins : ses revendications statutaires sont les nôtres.

Cette communication a été l’occasion de souligner une fois de plus, l’engagement du SYNCASS-CFDT dans sa volonté de voir les directeurs des soins rémunérés à la hauteur de leurs hautes responsabilités et militer pour une unité de l’équipe de direction dans la diversité des fonctions.

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  • 13 octobre 2020, Déclaration liminaire, CAPN des directeurs des soins. Les directeurs des soins n’ont plus le temps d’attendre.

A l’occasion du projet d’ouverture d’un groupe de travail sur la rénovation statutaire par la DGOS, une piste de travail évoque la place les directeurs des soins dans la gouvernance hospitalière.

« Le SYNCASS-CFDT veut une clarification sur ce point. Il rappelle que les annonces d’évolution de la gouvernance hospitalière, délétères dans la période, alimentent des querelles inutiles, ébranlent le positionnement des directeurs des soins qu’il faudrait plutôt conforter et joue en défaveur de la restauration de l’attractivité du corps. »

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  • 22 octobre 2020, la députée LREM, Stéphanie RIST, dépose la « « PPL RIST à l’Assemblée nationale puis après son adoption, au Sénat le 8 décembre 2020. Les articles 5 (re-légalisation des chefs de service) article 6 (création du droit optionnel d’une commission réunissant la CME et la CSIRMT) et l’article 9 (ajout d’un représentant de la CSIRMT au directoire en sus du directeur des soins) inquiètent plus particulièrement les directeurs des soins.
  • 18 décembre 2020, Annulation de la CAPN faute d’ordre du jour, Faut-il vraiment encore réexpliquer la place des directeurs des soins dans la gouvernance ?

Le SYNCASS-CFDT redit haut et fort sa désapprobation concernant le projet de création de la commission médico soignante et les enjeux liés à la restauration des chefs de services qui dirigeront en étroite collaboration avec le cadre de santé.

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  • 2 février 2021, Déclaration liminaire de la CCN exclusivement consacrée au corps des DS, Il y a état d’urgence pour les directeurs des soins

Le SYNCASS-CFDT dénonce une nouvelle fois le conglomérat de la CME et de la CSIRMT prévu dans le projet de loi RIST. Le SYNCASS-CFDT rappelle qu’il ne peut « souscrire aux conceptions qui isoleraient la coordination générale des soins dans une gouvernance éclatée, voire en feraient l’autorité naturelle, donc hiérarchique d’une filière paramédicale devenue autonome. Le service public y perdrait à coup sûr ! Les directeurs des soins aussi. »

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  • 2 février 2021, Le SYNCASS-CFDT écrit à tous les sénateurs

Le SYNCASS-CFDT demande la suppression de la l’article 6 qui visait la réunion de la CME et de la CSIRMT et repositionne le directeur des soins dans la gouvernance hospitalière, président de la CSIRMT.

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  • 4 février 2021, Compte rendu de la CCN dont l’ordre du jour du 2 février était consacré au corps des directeurs des soins

 « Le SYNCASS-CFDT souhaite que la prise de conscience sur la situation des directeurs de soins évoquée par la directrice générale du CNG ne soit plus uniquement celle, déjà bien ancienne, de leurs représentants, mais devienne aussi pleinement celle des pouvoirs publics, de l’administration et du CNG. »

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Le SYNCASS-CFDT intervient

Le SYNCASS-CFDT agit auprès des pouvoirs publics pour défendre les intérêts des directeurs des soins. Il exprime leurs attentes de manière régulière auprès du cabinet du ministre de la santé, de la direction générale de l’offre de soins et de la direction générale du centre national de gestion.

Dans les instances, notamment le conseil commun de la fonction publique et le conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, la CFDT développe nos arguments, dans un contexte qui voit hélas le gouvernement réduire les lieux de l’expression syndicale et sa participation au dialogue social.

Faudra-t-il renouveler les mobilisations que nous avons menées, comme celle de 2013, pour défendre nos revendications pour le statut des directeurs des soins, en manifestant devant le ministère de la santé ou devant l’Assemblée nationale ou le Sénat ? Faudra-t-il envisager d’autres formes d’intervention auprès des parlementaires, après le courrier que nous avons adressé à tous les sénateurs ? Faudra-t-il d’autres formes d’action et les directeurs des soins y sont-ils prêts ?

Le SYNCASS-CFDT, en tout cas, n’entend pas en rester là. Face aux menaces qui pèsent sur le fonctionnement de l’hôpital et sur la fonction malmenée de directeurs des soins, il invite tous les collègues à lui faire part de leurs propositions. Nous voulons construire avec eux les actions pour faire entendre leur voix et faire aboutir les revendications qui nous rassemblent.