Interview
Fabrice Gombert

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Temps de lecture : 3 minutes

Président de la Caisse nationale d’assurance maladie

En tant que président de la Cnam, peux-tu nous dire quels étaient les enjeux de la négociation ouverte début 2023 ?

La précédente convention datait de 2016 : le cadre de la négociation a fortement évolué dans l’intervalle. Les négociations conventionnelles avaient pour objectif de répondre aux besoins de santé de la population et d’anticiper ceux des générations futures, dans un contexte de raréfaction de la ressource médicale et de difficultés d’accès aux soins pour les assurés, que ce soit financièrement ou dans leurs territoires. À noter aussi que la représentativité syndicale des spécialistes s’est fragmentée lors des élections de 2021 avec un recul de la CSMF, organisation jusque-là la plus représentative. Chez les généralistes, le paysage est relativement plus stable, MG France ayant conforté sa première place.

Cette négociation a été marquée par une revendication très médiatique (la consultation à 50 €) et par un appel au déconventionnement. Comment perçois-tu l’évolution de la représentation syndicale des médecins libéraux au regard de ces expressions ?

La revalorisation de la consultation de médecine générale à 50 euros a été largement relayée dans les médias alors qu’elle ne constituait pas une revendication majoritaire auprès de l’ensemble des syndicats de médecins libéraux. Je me suis d’ailleurs entretenu avec l’ensemble des syndicats représentatifs, il existe un sujet évident de revalorisation de la médecine générale qui constitue le pilier de notre système de santé. Il faut néanmoins rappeler que si l’on tient compte des rémunérations à l’acte et forfaitaires versées par la Cnam au titre de l’activité de médecin traitant et des objectifs de santé publique ainsi que la prise en charge des cotisations sociales, la charge réelle d’une consultation de médecine générale pour l’assurance maladie est de 35,20 euros.

L’ensemble des syndicats représentatifs des médecins libéraux que j’ai pu rencontrer reste attaché aux mécanismes conventionnels. Pour l’instant, nous n’observons pas de vague de déconventionnement, ce sont surtout des lettres d’intention qui parviennent dans certaines caisses. Il faut être néanmoins très vigilant sur ce mouvement qui est entretenu principalement par les réseaux sociaux.

Peux-tu nous présenter le règlement arbitral intervenu après l’échec des négociations ? Quelle suite peut-on imaginer ? Que peut-on dire du rôle de l’État dans la négociation ?

Le règlement arbitral de 2023 a été conçu comme une étape de transition courte dans l’intention d’une reprise des négociations. Il comprend des mesures de revalorisation de 1,50 € des consultations de base et complexes, soit une dépense supplémentaire de 421 millions pour l’assurance maladie. Il prévoit également des mesures d’urgence dans le domaine de la santé publique en créant une consultation longue pour tout nouveau patient en ALD sans médecin traitant valorisée à 60 €. Une autre mesure importante concerne l’assouplissement des dispositions sur les assistants médicaux : les aides à l’emploi des assistants médicaux sont plus simples et concernent davantage de médecins.

L’assurance maladie élabore des orientations en vue d’ouvrir les négociations conventionnelles avec les syndicats de médecins libéraux, conformément aux lignes directrices fixées par le ministre de la Santé et de la Prévention. Ces orientations sont votées au sein du conseil de l’Uncam (l’assurance maladie en interrégime : CCMSA et travailleurs indépendants). Les lignes directrices sont fixées au sein d’une lettre de cadrage, elles peuvent être souples pour donner davantage de marge de manœuvre à l’assurance maladie ou elles sont susceptibles d’être détaillées ; dans ce dernier cas, l’État contraint fortement la négociation. Aucun calendrier n’est encore fixé alors que la discussion du PLFSS commence.

Le système de santé souffre d’un problème de pénurie globale de professionnels en ville et en établissement. Peux-tu nous indiquer quelles propositions la CFDT formule et défend pour y répondre, plus particulièrement pour le champ libéral dans la négociation conventionnelle ?

L’hôpital connaît des problèmes spécifiques de recrutement et d’attractivité qui dépassent le seul champ de l’assurance maladie. En ce qui concerne la médecine de ville, la négociation conventionnelle a pour but de répondre aux besoins de santé des assurés dans un contexte démographique contraint, avec une diminution du nombre de médecins généralistes pour les dix prochaines années. À bien des égards, la crise sanitaire a montré la voie à suivre en matière d’organisation du système de santé autour de l’exercice coordonné. Lors de la prochaine convention médicale et qu’elle qu’en soit la forme, le travail en équipe structurée – au sein de laquelle les différents professionnels de santé se connaissent, travaillent quotidiennement ensemble, partagent un projet de santé et le même système d’information de l’assurance maladie – doit devenir le mode d’exercice majoritaire. C’est à la fois un levier d’attractivité pour les jeunes générations et une manière d’améliorer le parcours de santé et la continuité des soins des assurés.

Propos recueillis par Lionel PAILHÉ