État des lieux
L’actualité du trimestre

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Ce nouvel été était annoncé comme tendu pour les secteurs du sanitaire et du médico-social. Les établissements ont « tenu le choc » mais ils restent financièrement fragilisés et en déficit prononcé de professionnels.

Suite à de nouveaux rapports et constats alarmants, le gouvernement a fait une batterie d’annonces : réforme du financement de l’hôpital, revalorisation des sujétions, aide financière d’urgence aux EHPAD en difficulté et examen de la loi Bien vieillir à la rentrée.

Ces annonces ne sont pas à la hauteur des besoins et la méthode est mauvaise : elle n’intègre pas de temps de concertation avec les partenaires sociaux et elle sème le trouble voire génère des divisions lorsque les mesures manquent de clarté et de précision sur leur périmètre.

Face à ces constats et à l’occasion de cette rentrée porteuse d’attentes mais aussi d’inquiétudes, le SYNCASS-CFDT rappelle ses revendications concernant les deux grandes thématiques qui marquent les conditions d’exercice des directeurs : la viabilité financière des établissements et leur attractivité.

La viabilité financière des établissements

La pression sur l’Ondam hospitalier a des effets délétères sur les missions de service public. Le décrochage organisé entre les ressources et les coûts est un facteur puissant de tensions internes. Il est anormal que le dialogue de gestion interne capte autant d’énergie pour conduire des plans d’économie, le plus souvent irréalistes.

En juillet, la Cour des comptes a publié un rapport concernant la tarification à l’activité qui alerte sur le creusement des écarts entre les coûts moyens et les tarifs, ayant une incidence sur l’organisation des soins et la répartition des spécialités entre les établissements publics et privés commerciaux. La Cour des comptes préconise des tarifs « construits de manière lisible [et d’]assurer la couverture des coûts moyens et s’approcher davantage de la neutralité tarifaire ».

Dans ce contexte, une réforme du financement est portée dans le PLFSS 2024, avec un système de financement mixte du secteur MCO, intégrant en sus de la tarification à l’activité des dotations socles pour assurer les objectifs de santé publique et un système forfaitaire pour certaines activités, notamment les soins critiques.

Pour le SYNCASS-CFDT, un mode de financement approprié peut contribuer à l’amélioration des conditions d’exercice de tous et à l’attractivité de l’hôpital. Il ne peut faire l’économie d’un Ondam au bon niveau qui doit procéder à un rééquilibrage significatif vers le service public hospitalier. Ce rattrapage ne doit pas se limiter à supporter les conséquences directes de la crise sanitaire et du Ségur de la santé, mais doit redonner des marges de manœuvre aux acteurs et intégrer l’évolution des charges réelles. La déconnexion entre les tarifs et les charges réelles, auxquelles s’ajoute souvent l’impact de la démographie médicale ou parfois d’une spécificité géographique, induit des dépenses ou des surcoûts particuliers. Il est inconcevable que des établissements demeurent durablement sous perfusion régionale ou nationale, ce qui rend leur gestion insoutenable pour les acteurs, dont les directions. Ces situations doivent être objectivées et traitées sur la base du service rendu par les établissements sur leur territoire.

Le service public mérite d’être financé comme tel, dans ses éléments constitutifs que sont la continuité et la permanence des soins, mais aussi les infrastructures liées à l’accessibilité, et les missions, dont l’enseignement, la recherche et l’innovation. La continuité, notamment territoriale, est à assurer indépendamment du niveau d’activité, qui ne peut seul répondre à cette obligation.

Si la situation des EPS s’est dégradée, celle des établissements médico-sociaux s’est profondément altérée. Le secteur manque d’une vision stratégique à long terme : rapports laissés sans suite, loi Bien vieillir reportée, abandon de l’ambition d’une loi grand âge.

Le rapport Pirès-Beaune, le dernier en date d’une longue liste, appelle à une « action globale », au risque de voir « toute baisse du reste charge vouée à l’échec ». Il invite à la création d’une « instance chargée d’analyser les difficultés des structures et d’y apporter une solution » ; recommande la fusion des sections soins et dépendance, qui conduit à revoir la gouvernance ; préconise l’établissement de « tarifs socles nationaux, susceptibles d’évoluer dans les territoires selon les différences de coûts effectifs de production du service » ; enfin, le rapport prône la fusion de l’APA et de l’ASH et le déploiement, en remplacement, d’une allocation universelle et solidaire d’autonomie en établissement (AUSAE) qui tienne compte des facultés contributives de chacun.

À l’issue de la remise de ce rapport, la reprogrammation de la loi Bien vieillir et des mesures d’urgence ont été annoncées (100 millions), mais bien insuffisantes. Comme le notait le SYNCASS-CDFT dans sa déclaration liminaire du 12 septembre 2023, c’est surtout une refonte complète des mécanismes de financement des EHPAD qui est nécessaire. Le SYNCASS-CFDT sera attentif aux travaux conduits par la DGCS sur le financement, la gouvernance et la régulation des EHPAD, et à leur traduction dans le PLFSS. Le PLFSS 2024 n’est pas à la hauteur des besoins du médico-social. Il espère également que les propositions du rapport Pirès-Beaune ne subiront pas le même sort que celles des précédents rapports déjà remis. Le  PLFSS, en laissant un droit d’option aux départements sur la fusion des sections soins et dépendance, exprime une ligne politique incertaine et donne des gages aux départements les plus réticents à toute évolution.

Le SYNCASS-CFDT réclame la mise en cohérence des différentes réformes tarifaires engagées sur l’ensemble du secteur social et médico-social. La désynchronisation dans le traitement des sujets met en difficulté les directeurs et les gestionnaires de structures relevant de différents champs, y compris sanitaire.

Les logiques de convergence ne doivent pas privilégier l’objectif de stabiliser les financements, elles s’inscrire dans une perspective de recherche de qualité, de sécurité et de bientraitance, en veillant à ne pas niveler vers le bas. Les travaux de l’ATIH dans la mise en œuvre d’une échelle nationale des coûts pour le secteur médico-social peuvent y contribuer. Il appartient au décideur public de se saisir des éléments mis en lumière par les campagnes « Tableaux de bord-ESMS ».

L’amélioration de la sécurité et de la qualité nécessite d’être assurée par la définition et le financement des effectifs requis de personnel dans les EPRD des établissements.

La sécurisation des ressources nécessaires au secteur passe par l’opposabilité des dépenses contraintes dans la négociation tarifaire, qu’il s’agisse du GVT ou des évolutions réglementaires rendant les dépenses induites obligatoires.

Une tarification à la ressource doit aller jusqu’au bout de la logique, par une tarification au GMPS ouvrant droit pour l’EHPAD à un niveau de dotation automatique opposable aux financeurs.

Le financement doit permettre un tarif hébergement compatible avec les ressources des usagers, tout en s’assurant qu’il permette aux établissements de conduire les projets d’amélioration des prestations et conditions d’accueil, y compris les investissements de long terme liés au défi du changement climatique.

L’attractivité des établissements

L’attractivité des métiers de la santé passe par un traitement équitable de l’ensemble des agents de la FPH, à commencer par le versement du CTI aux catégories professionnelles qui en sont encore exclues. Cela implique également l’application à l’ensemble des agents de la FPH des mesures de revalorisation des sujétions de travail de nuit et dimanches et jours fériés, mesures dont nous ne connaissons toujours pas précisément le périmètre. Prévu par l’accord Ségur de 2020, cette revalorisation s’est faite sans concertation, sans réponse du ministère aux propositions émises par la CFDT santé-sociaux dans le cadre du seul groupe de travail s’étant tenu en trois ans. De plus, des actions sur la pénibilité du travail devront impérativement être envisagées. Le fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle en constitue l’un des volets, avec des modalités en cours d’arbitrage.

Ces effets d’annonce signent une fois de plus le mode de fonctionnement de ce gouvernement et le peu de considération pour les organisations syndicales représentatives et le dialogue social. Cette méthode se retrouve dans les discussions statutaires en cours avec la DGOS. Il en est pour preuve la proposition de revalorisation statutaire pour les D3S présentée le 3 juillet dernier qui laissait le corps à l’écart et à la traîne de la réforme de la haute fonction publique.

Or, pour le SYNCASS-CFDT, l’inclusion des trois corps de direction dans la réforme de la haute fonction publique est un fil directeur essentiel !

Le corps des D3S doit être rendu à nouveau attractif. Le SYNCASS-CFDT continue de défendre l’unicité des corps de direction DH/D3S. La persistance ou, pire, l’aggravation des écarts entre les deux corps nient à la fois le niveau de recrutement, la formation initiale et les responsabilités exercées par les collègues, quel que soit le secteur d’activité :  médico-social, social ou sanitaire. Ces critères justifient le caractère comparable des corps de DH et de D3S au sens de la loi Mobilité de 2009. L’unicité des corps est la meilleure réponse, d’ailleurs conforme aux principes qui ont prévalu dans la fonction publique d’État qui a regroupé 15 corps différents dans un seul, celui des administrateurs de l’État. La transposition de la réforme de la haute fonction publique de l’État à la FPH doit permettre de progresser dans cette direction, y compris si des propositions ambitieuses sont arbitrées pour les DH !

Concernant le corps des DS, il est temps de corriger les scories du statut actuel, corrections demandées par le SYNCASS-CFDT avec accord de principe de la DGOS en début d’année, mais sans traduction concrète. La revalorisation du statut de DS passera par l’alignement des carrières et du régime indemnitaire sur ceux des autres directeurs adjoints ; le repyramidage des grilles des emplois fonctionnels ; la création d’un GRAF accessible au plus grand nombre ; la diversification maîtrisée des voies d’accès au corps, dont la création d’un tour extérieur ; la réflexion sur les durées des fonctions antérieures nécessaires pour présenter le concours.

Concernant le corps des DH, les propositions inspirées du statut des administrateurs de l’État doivent permettre une amélioration de la situation de tous les collègues aux différents stades de leur carrière. L’accès au deuxième grade du corps doit être assoupli sur la condition de mobilité qui pénalise particulièrement les femmes en début de carrière. La refonte des grilles de rémunération doit permettre de dérouler une progression jusque dans les dernières années de la carrière, incluant un traitement différencié pour les collègues ayant accédé aux emplois fonctionnels. Une attention particulière devra être portée aux reclassements opérés à la bascule vers le nouveau corps.

Ces évolutions doivent permettre une mise en cohérence avec la réalité du paysage hospitalier et des recompositions incessantes d’équipes et de fonctions. Les emplois de directeurs délégués de sites issus de la mise en place de directions communes et l’émergence d’adjoints aux responsabilités très larges dans des ensembles hospitaliers de grande taille doivent être reconnus.

Pour l’ensemble des corps, les critères des emplois fonctionnels doivent évoluer, avec une prise en compte plus juste des responsabilités exercées et la suppression des quotas dont la gestion est source d’incompréhensions et d’incohérences.

 

La situation des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux est alarmante, tant sur le plan financier que sur celui de l’attractivité. Alors que les signaux se multiplient sur le retour à des mesures d’économie tous azimuts, le SYNCASS-CFDT porte une tout autre ambition et propose une tout autre méthode : le dialogue social et la négociation doivent retrouver droit de cité pour agir collectivement à la mesure des réalités et des enjeux.

Lionel PAILHÉ, Sandra FOVEZ et Isabelle SARCIAT-LAFAURIE