Soixante jours après le second tour des élections législatives, qui ont débouché sur une défaite du camp présidentiel, ce dernier s’est enfin décidé à nommer un Premier ministre. La constitution d’un nouveau gouvernement, dont la pérennité semble toute relative et soumise à l’éclatement des minorités parlementaires issu de la séquence électorale, suscite néanmoins de fortes attentes dans le monde de la santé et plus particulièrement au sein des établissements de la fonction publique hospitalière.
Le constat de cette rentrée n’est guère enthousiasmant.
Les hôpitaux, certes salués pour la qualité de leur préparation et de leur mobilisation pour garantir le bon déroulement du plan sanitaire des JO de Paris 2024, ont comme c’est devenu la coutume passé un été sous tension se traduisant par des fermetures partielles ou totales de certains services, dont les urgences, les services de pédiatrie ou les maternités, faute de personnel médical ou paramédical. Concentrés sur la persistance des difficultés d’accès aux soins et l’investissement indispensable dans les politiques d’attractivité, malgré des situations contrastées, les directions font globalement le constat que les ressources allouées ne permettent toujours pas de financer l’exact coût relatif à leurs missions. La situation financière est aggravée par une sous-évaluation de l’impact de l’inflation sur les charges de fonctionnement.
Les EHPAD de la FPH sont embourbés dans la dégradation sans issue de leur situation financière, présentant sur deux exercices (2022 et 2023) un déficit cumulé inédit de 1,3 Mds d’euros. L’évolution des tarifs appliquée sur l’année 2024 ne suffira pas à réaliser un rétablissement pérenne des équilibres financiers. De même, les crédits exceptionnels de 100 millions d’euros alloués en 2023 et reconduits en 2024 sont très insuffisants au regard des déséquilibres immédiats des établissements. La rupture de trésorerie est proche et certains ne pourront bientôt plus continuer leur activité. Sans mesure corrective forte, telle que le dégel de la réserve prudentielle ou l’affectation des excédents nationaux de la branche autonomie, ces situations de sursis risquent de devenir de plus en plus fréquentes. Le modèle de financement, à bout de souffle et sans avenir, ne pourra pas se satisfaire d’expérimentations, il doit être rapidement refondé.
Le déficit d’attractivité des métiers du secteur médico-social est lui aussi toujours d’actualité, intensifié pour les secteurs du handicap et de l’enfance par l’absence de versement du CTI à tous les agents de la FPH, iniquité attendant d’être corrigée et dont le nouveau gouvernement serait bien avisé de s’emparer. La réforme du financement des établissements et services pour personnes handicapées, Serafin-PH, annoncée mais en chantier depuis une dizaine d’années, nécessite encore du travail et des arbitrages ministériels, et ne sera pas déployée avant 2026 dans le meilleur des cas.
De même, en cette période de rentrée scolaire, le décret relatif aux modalités de fonctionnement en dispositif intégré des établissements et services médico-sociaux est paru le 5 juillet 2024. Il vise à faciliter les parcours des enfants et des jeunes entre les différentes modalités d’accompagnement, en permettant une meilleure adaptation à leurs besoins. Cependant, le plan d’inclusion scolaire reste confronté au quotidien à de nombreuses difficultés. Si l’esprit des jeux paralympiques doit continuer de souffler après cet été, c’est dans la résolution volontariste des obstacles quotidiens (accessibilité, transports, aménagements urbains, réduction des inégalités…) qui empêchent l’inclusion dans la société.
Une société se juge à la façon dont elle soutient et protège ses membres les plus vulnérables. La fonction publique est aux avant-postes de cet engagement solidaire. Face à ce constat, nous attendons des réponses d’envergure de ce nouveau gouvernement.
La loi « bien-vieillir », votée en avril dernier, est toujours en attente de très nombreux décrets d’application permettant la mise en œuvre des mesures fondamentales pour le secteur médico-social, telles que la généralisation des groupements territoriaux sociaux et médico-sociaux, la modulation des tarifs hébergement des EHPAD, la mise en œuvre de la loi de programmation votée à la quasi-unanimité par les parlementaires.
Il en est de même pour le décret qui doit permettre l’expérimentation de la fusion des sections soins et dépendance des EHPAD, dont la parution a été suspendue par la dissolution de l’Assemblée nationale.
Et que dire de la chute constante du nombre de candidatures sur les emplois de chefs d’établissement D3S, puisque sur les 27 postes publiés, 44 % ne reçoivent aucune candidature. A titre d’exemple, sur 152 postes de D3S parus en 2023 en région AURA, seuls 50 ont été pourvus. Cela confirme une attractivité en berne, dans la totale indifférence des pouvoirs publics, ouvrant la porte de surcroît à des recrutements contractuels qui seront, du fait de la précarité de leur statut, moins à même de défendre leur établissement. Cette tendance observée à chaque instance collégiale se vérifie également depuis plusieurs années dans les choix de postes des ED3S qui préfèrent s’orienter vers un poste d’adjoint pour leur première affectation.
Ce déficit de candidatures a des conséquences pour les D3S. Ainsi, entre les postes restés vacants et ceux qui ne seront pas pourvus à l’issue de la procédure, une part importante nécessitera de nouveaux intérims, souvent longs, parfois imposés, ou la poursuite de ceux en cours, ou encore l’accélération des recompositions, justifiée principalement par l’absence de chef : ce n’est jamais un motif suffisant ou une stimulation pertinente au regroupement des structures.
L’audace est toujours un choix possible, ce nouveau gouvernement peut encore décider de mettre en œuvre une réforme statutaire volontariste qui aille dans le sens de la création d’un seul corps de direction regroupant DH et D3S comme cela a été possible via le regroupement de nombreux corps de la haute fonction publique au sein d’un seul dans la FPE. Le temps n’est plus à la défense d’un corporatisme d’une autre époque. Les listes de postes proposés aux EDH et ED3S en sont une parfaite illustration, puisque des emplois d’adjoints en charge d’animer et de gérer la filière gériatrique sont indifféremment proposés aux deux corps, balayant de ce fait les arguments sans cesse avancés mais non étayés d’une spécificité des métiers.
Si cette réforme ne voyait pas le jour, elle s’imposerait d’elle-même dans un délai court au vu du nombre de détachements D3S aujourd’hui dans le corps des DH, ou demain dans celui des administrateurs des deux autres versants. Nous n’abandonnerons pas cet objectif qui répond aux besoins des établissements et des équipes : il doit se concrétiser positivement pour tous les collègues.
Le SYNCASS-CFDT défend depuis longtemps des propositions à la hauteur des responsabilités et de l’engagement professionnel des D3S. Cela passe d’abord par une revalorisation statutaire aussi ambitieuse que celle réalisée dans la FPE. Cela passe ensuite nécessairement par un dialogue social constructif et respectueux auquel le nouveau gouvernement devra s’atteler sans délai.